A l’occasion de Noel, des proches de victimes du Covid ont accroche des guirlandes lumineuses sur un mur recouvert de coeurs rouges dans le centre de Londres, un memorial improvise, symbole d' »amour » et de « colere ».
A l’approche du cinquieme anniversaire de la pandemie, l’emotion reste vive.
Plus de 240.000 coeurs ont ete peints a la main sur le mur long de 500 metres qui se trouve au bord de la Tamise, avec une vue imprenable sur le Parlement de Westminster. Chacun represente une personne morte du Covid au Royaume-Uni. Des milliers de messages sont ecrits: « Mamy, je t’aimerai toujours », « Phil, toujours dans mon coeur », « Tu nous manques chaque jour ».
A l’origine, ce mur du souvenir, qui s’etend sur 500 metres, devait etre temporaire. Il a ete realise sans autorisation en mars 2021, afin de demander des comptes au gouvernement de Boris Johnson, alors Premier ministre, pour sa gestion chaotique de la pandemie.
Il est accuse notamment d’avoir tarde a realiser la gravite de la pandemie, en confinant trop tard puis en levant le confinement trop rapidement.
Ce mur est « une effusion d’amour, de colere, de rage », resume Lorelei King, dont le mari est mort du Covid fin mars 2020.
Cette femme de 71 ans fait partie du groupe « Les amis du mur », une dizaine de benevoles qui chaque vendredi viennent nettoyer le monument, repeindre les coeurs qui s’effacent avec la pluie, reecrire les messages.
« C’est assez meditatif », dit-elle en repeignant delicatement un coeur qui disparaissait.
Le groupe continue de dessiner de nouveaux coeurs, quand le Covid emporte de nouvelles personnes.
Quelques jours avant Noel, les benevoles se sont retrouves pour une autre mission, plus joyeuse: installer des guirlandes le long du mur. Ils les ont allumees lundi apres-midi et elles vont rester en place jusqu’a debut janvier.
– « Reconfort » –
« Nous installons des guirlandes chaque Noel pour nous recueillir et nous souvenir des personnes qui ne sont pas avec nous pendant la periode de Noel », explique Kirsten Hackman, 58 ans. Sa mere est morte en mai 2020 du Covid.
« Pour beaucoup d’entre nous, il y a une place vide autour de la table a Noel. (…) C’est un moment tres difficile », ajoute-t-elle.
Les passants s’arretent, intrigues, pour regarder ce mur atypique, questionnent le groupe qui s’active en riant.
Ce mur est une « seance de therapie » collective, racontent des benevoles.
Mais pres de cinq ans apres le debut de la pandemie, la douleur reste la meme, dit Lorelei King. Comme d’autres, elle explique ne pas avoir reussi a faire son deuil. « Nous n’avons pas pu avoir de vraies funerailles », souligne-t-elle, en raison des regles du confinement en vigueur quand son mari est mort.
Alors elle met son energie dans ce mur. « Cela me reconforte. (…) Et je ne veux pas que les personnes qui nous sont cheres soient oubliees. »
« On se comprend. On est dans le meme bateau », dit Michelle Rumball, 53 ans, dont la mere est morte du Covid en avril 2020.
Elle etait presente des le premier jour, quand les premiers coeurs ont ete peints, apres un appel sur les reseaux sociaux du groupe de militants politiques Led By Donkeys.
Pendant dix jours, des centaines de personnes ayant perdu des proches se sont presentees au mur, meme si elles risquaient d’etre arretees pour degradation d’un mur classe.
« J’etais tres en colere. C’etait une maniere de manifester », se souvient Michelle Rumball.
Le mur depend de donations. Le groupe veut le rendre « permanent » et reconnu officiellement. Il serait ainsi mieux protege. Les amis du mur sont en discussion avec les autorites. Et quelques jours avant Noel, ils ont eu une reunion « tres positive », sourit Lorelei King, optimiste.
Selon l’OMS, le Covid a fait plus de 232.000 morts au Royaume-Uni. A titre de comparaison, il y en a eu en France environ 168.000. Dans le monde, plus de sept millions de deces dus a cette maladie ont ete signales a l’OMS, mais le veritable bilan de la pandemie semble bien plus eleve.