La maladie d’Alzheimer est injuste avec les femmes : selon l’Inserm, sur 25 malades, 15 sont des femmes contre seulement 10 hommes. Puisque cette maladie est associée au vieillissement (son risque augmente à partir de 65 ans et explose après les 80 ans), une possible explication de cette apparente injustice pourrait être un meilleur vieillissement cérébral du côté des hommes, ce qui les protégerait contre la maladie. Pour vérifier cette hypothèse, des chercheurs de l’Université d’Oslo (Norvège) ont étudié le vieillissement normal du cerveau des hommes et des femmes. Leur recherche, publiée le 13 octobre 2025 dans la revue PNAS, montre qu’au contraire, celui des femmes s’en sort beaucoup mieux que celui des hommes !
Le cerveau des hommes vieillit globalement plus vite que celui des femmes
Afin d’observer l’évolution naturelle du cerveau en fonction de l’âge, les chercheurs ont analysé par imagerie cérébrale les cerveaux de près de 5 000 adultes (2 181 hommes et 2 545 femmes), âgés de 17 à 95 ans et tous en bonne santé cognitive. Chacune des images collectées était scrutée en détail, évaluant un total de 87 indices, dont les volumes de différentes régions du cerveau, l’épaisseur du cortex ainsi que la surface totale du cerveau.
Ces différentes mesures mettaient en évidence un vieillissement très variable entre les régions cérébrales. Cependant, la vitesse de leur dégradation était similaire entre les deux sexes pour la plupart des mesures, c’est-à-dire que la majeure partie du cerveau vieillirait de la même façon, peu importe le sexe. Toutefois, certaines mesures montraient une dégradation différenciée en fonction du sexe. Pour certaines, c’est le cerveau des femmes qui semble vieillir plus rapidement : c’est notamment le cas pour le volume du lobe frontal, important dans la prise de décision et le raisonnement. Mais si le cerveau des messieurs s’en sortait mieux pour cette mesure, il présentait au contraire un vieillissement plus rapide pour un plus grand nombre de points. Par exemple, le volume total du cerveau diminuait plus rapidement chez eux, et plus spécifiquement l’ensemble de la substance grise (le cortex) rétrécissait plus vite. Cette dégringolade masculine concernait environ 20 % des 87 mesures réalisées, soulignant que, globalement, le cerveau des hommes vieillit plus rapidement que celui des femmes.
Le cerveau des femmes pourrait être davantage protégé
Pour confirmer leurs résultats, les chercheurs ont procédé à des analyses plus spécifiques, prenant en compte par exemple le niveau éducatif, l’espérance de vie plus longue chez elles, ou en comparant seulement les personnes âgées de plus de 60 ans. Ces tests atténuaient une partie des différences, mais la conclusion restait la même : le cerveau des femmes vieillit mieux que celui des hommes. Un résultat en accord avec des études précédentes qui montraient aussi que le vieillissement des femmes, y compris celui du cerveau, semble plus lent que celui des hommes, peut-être grâce à un superpouvoir féminin : l’éveil du chromosome X silencieux.
Pour rappel, les femmes possèdent deux chromosomes X (XX) contre un seul pour les hommes (XY). C’est-à-dire que, chez elles, les gènes de ce chromosome sont en double. Ce qui n’a normalement aucune conséquence, puisque l’une des copies est systématiquement réduite au silence. Donc seule une copie de chaque paire de gènes peut être lue, produisant ainsi la même quantité de protéines que chez les hommes. Mais avec l’âge, ce système de blocage fonctionne moins bien et les deux copies sont désormais lisibles, générant donc le double de protéines. C’est le cas notamment pour une protéine protectrice des neurones, ce qui permet une meilleure sauvegarde des fonctions cognitives chez les femmes âgées que chez leurs contemporains masculins.
Le mystère plane
Alors, pourquoi les femmes sont-elles plus à risque de développer la maladie d’Alzheimer ? Le mystère perdure, mais il demeure quelques pistes. Même si, chez des personnes en bonne santé, l’âge semble plus discriminant pour les cerveaux des hommes, « on pourrait imaginer que ces différences d’atrophie cérébrale pourraient différer entre les cerveaux sains et ceux malades », proposent les auteurs. En d’autres termes, il est possible que la maladie évolue plus rapidement chez les femmes que les hommes. Chez les personnes en bonne santé et sans facteurs de risque pour la maladie, les femmes s’en sortent mieux que les hommes, mais cela pourrait s’inverser si on prend en compte seulement des personnes avec un risque accru (par exemple, le gène APOE4).
Une autre piste pourrait être la ménopause. Il a été montré en effet que certaines hormones, comme les œstrogènes, ont un effet protecteur pour le cerveau. Et que la chute de leur production lors de la ménopause pourrait rendre le cerveau des femmes plus à risque, notamment chez celles avec une ménopause précoce. Mais quelle que soit la raison de ce paradoxe, il est certain qu’on peut diminuer la probabilité de développer la maladie d’Alzheimer, même lorsqu’on a ces facteurs de risque. Activité physique, alimentation, liens sociaux… La prévention est essentielle, que l’on soit un homme ou une femme.
