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Au Zimbabwe, les herboristes poussent sur les ruines du systeme de sante

décembre 9, 2024

Faute de traitement pour son cancer disponible a l’hopital public de Harare, Agnes Kativhu, comme tant au Zimbabwe, s’est rabattue sur une des innombrables officines d’herboristes bourgeonnant dans la capitale.

« Je ne veux plus jamais retourner a l’hopital! « , clame cette femme de 67 ans, atteinte d’un cancer du sein.

« Parce que ca m’arrache le coeur qu’ils ne m’y aient pas donne un seul comprime », raconte cette malade entre les murs aux couleurs passees d’un cabinet de fortune tenu par un medecin traditionnel.

Ni agrees, ni controles, les herboristes zimbabweens, meme sans preuve d’efficacite de leurs traitements, sont courus d’une partie de la population, a la fois mefiante envers la medecine conventionnelle et delaissee par le systeme de sante publique.

Le plus grand hopital public du Zimbabwe, Parirenyatwa, n’a par exemple plus un seul appareil de mammographie en etat de marche depuis 15 ans. Et sa machine de traitement par radiotherapie est la seule accessible au public dans tout ce pays d’Afrique australe de 17 millions d’habitants.

Un couple dont le mari est atteint d'un cancer de la prostate et qui se soigne par les plantes,a Harare le 20 octobre 2024 (AFP - Jekesai NJIKIZANA)
Un couple dont le mari est atteint d’un cancer de la prostate et qui se soigne par les plantes,a Harare le 20 octobre 2024 (AFP – Jekesai NJIKIZANA)

« On reconnait qu’un seul appareil, c’est insuffisant », convient Nothando Mutizira, responsable du service d’oncologie a Parirenyatwa. « Mais on parvient a fournir des soins de radiotherapie avec ce seul appareil », assure-t-elle.

A l’instar d’autres hopitaux publics confrontes a la crise economique qui frappe le Zimbabwe, Parirenyatwa manque de medicaments, d’equipements et meme de personnel, car les medecins et les infirmieres partent a l’etranger, en quete de meilleurs salaires.

– Appels aux dons –

Certains hopitaux font des appels aux dons de comprimes et d’equipements de base comme des gants ou des seringues. « Il n’y a pas de medicaments », resume tout simplement Simbarashe James Tafirenyika, president d’un syndicat d’infirmiers.

Meme lorsqu’un hopital dispose d’equipements, les coupures de courant frequentes du pays les mettent hors service, d’apres lui.

Des patients de radiotherapie font la queue devant l'hopital public Parirenyatwa, le 16 octobre 2024  (AFP - Jekesai NJIKIZANA)
Des patients de radiotherapie font la queue devant l’hopital public Parirenyatwa, le 16 octobre 2024 (AFP – Jekesai NJIKIZANA)

Avec le developpement du secteur prive, les hopitaux publics perdent aussi leur personnel medical. Quand il n’est capte par le Royaume-Uni, ou les aide-soignants sont bien mieux remuneres.

« Certains emigrent vers l’Afrique du Sud, d’autres vers la Zambie, d’autres encore vers le Mozambique », decrit le responsable syndical.

Les couloirs de Parirenyatwa sont encombres de patients et de leurs familles qui deambulent entre des murs a la peinture ecaillee, sous des plafonds fissures.

Les listes d’attente sont longues et ceux qui en ont les moyens vont se faire soigner en Afrique du Sud voisine. Les autres s’adressent a des herboristes.

« De nombreuses personnes craignent a la fois la maladie et ses traitements, ils evitent la chimiotherapie, la radiotherapie et la chirurgie », explique aussi Lovemore Makurirofa, de l’Association zimbabweenne de lutte contre le cancer.

Le marche emergent des officines de plantes medicinales, popularisees a renfort d’abondante publicite dans la rue, inquiete les hopitaux car il retarde la prise en charge des malades, d’apres eux.

« Lorsque vous demandez aux patients pourquoi ils ont mis autant de temps a venir se faire soigner, ils vous repondent en general qu’ils utilisent des plantes medicinales depuis longtemps », relate l’oncologue Nothando Mutizira.

Dans la clinique de l'herbaliste Never Chirimo, le 20 octobre 2024 (AFP - Jekesai NJIKIZANA)
Dans la clinique de l’herbaliste Never Chirimo, le 20 octobre 2024 (AFP – Jekesai NJIKIZANA)

« Lorsque les patients finissent par venir, ils sont atteints d’un cancer de stade 3 ou 4, plus difficile a traiter, plus couteux et au pronostic bien plus defavorable », ajoute-t-elle.

L’herboriste qui dirige le centre de Harare ou Agnes Kativhu est venue traiter son cancer du sein n’a aucun doute dans ses capacites a soigner.

« Je peux traiter n’importe quel type de cancer », affirme sans hesiter Never Chirimo, 66 ans, se disant egalement capable de les diagnostiquer grace aux plantes.

Un autre de ses patients, Wilfred Manatsa, 58 ans, raconte avoir depense 25.000 dollars en traitement dans un hopital prive pour un cancer de la prostate et un sarcome de Kaposi, touchant la peau.

Une intervention chirurgicale aurait coute 7.000 dollars de plus, il ne les avait pas.

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