« Une mammographie j’en ai fait une… il y a vingt ans ! » Pour sensibiliser au cancer du sein, qui touche une femme sur huit, un bus vient a leur rencontre a Strasbourg, esperant lever tabous et apprehensions.
Avec plus de 61.000 nouveaux cas chaque annee en France, le cancer du sein reste le plus frequent chez les femmes. Il est aussi le plus meurtrier, avec environ 12.000 deces par an.
Mais le detecter tot permet de le soigner plus facilement. C’est le message du jour du « Spot sante », un bus itinerant lance en septembre par la ville de Strasbourg pour ameliorer l’acces a la sante.
En ce jour de marche, il s’est arrete pres du Musee d’art moderne, non loin d’un quartier prioritaire de la politique de la ville.
Une passante aux cheveux gris parsemes de meches roses reconnait que sa derniere mammographie remonte a plus de deux decennies.
Si le « Spot sante » ne propose pas de depistage sur place, il conseille et oriente.
A ses cotes, un « bus du sein » mis en place par la Federation nationale des medecins radiologues presente un appareil de mammographie et explique le deroulement d’un examen.
– Raisons multiples –
« Ce qui freine les gens, c’est la peur », estime Philippe Host, radiologue. Les patientes qu’il recoit dans son cabinet ont « toujours un petit coup de stress ». Mais « Une mammographie dure trois-quatre minutes » rappelle-t-il.
« L’appareil fait peur en lui-meme, le mot cancer fait peur… », temoigne Anne Holzmann, 50 ans et membre de l’association d’entraide « Patients en reseau ». Elle-meme frappee par un cancer du sein il y a deux ans, elle incite les passantes a se faire depister car « plus tot c’est pris en charge, plus la chance de remission et de guerison est importante ».
Quand il est detecte tot, le cancer du sein guerit en effet dans neuf cas sur dix.
Les femmes entre 50 et 74 ans beneficient d’un depistage gratuit tous les deux ans. Mais une femme sur deux, dans cette tranche d’age, ne fait pas de mammographie.
Crainte d’avoir mal, d’apprendre une mauvaise nouvelle, difficulte a obtenir un rendez-vous… les raisons sont multiples.
« Tout a l’heure j’ai vu une dame d’une cinquantaine d’annees, elle a dit, +ah oui, je recois la lettre, mais je ne vais pas faire le depistage, je l’ai toujours dechiree ou jetee+ », deplore Alpha Bah, 44 ans, responsable de l’ONG Ylla. Portant le nom de son epouse decedee du cancer du sein en 2017, l’association vise a sensibiliser la population, en particulier issue des minorites.
– « Questions sans tabou » –
« Le plus souvent, dans les communautes afros, parler du corps c’est un peu tabou, et les gens meurent de cette maladie en cachette », raconte M. Bah. En parlant de son histoire personnelle, il espere que les femmes « se reveillent et qu’elles aillent faire le depistage ».
Ce type d’action de prevention, « c’est une premiere marche dans un parcours de sante qui permet de s’informer, de poser des questions sans tabou, sans rendez-vous, et c’est gratuit », souligne aupres de l’AFP la maire ecologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian.
Outre le cancer du sein, le « Spot sante » aborde la sante mentale, le diabete ou encore le tabagisme, au fil de ses deplacements d’un quartier a l’autre.
« La desertification medicale ne concerne pas que les zones rurales, mais aussi, de plus en plus, le milieu urbain. Donc, c’est important que la sante aille a la rencontre de la population, plutot que ce soit aux habitants de faire l’effort de trouver l’information, de trouver un professionnel de sante », souligne la maire.
Revenant du marche avec ses enfants, Jamila, 39 ans, y voit un interet: « On n’a pas forcement envie d’en parler avec notre medecin, on est un peu genes, tandis qu’avec des inconnus c’est plus facile ».