cancer-du-sein-:-une-bioprothese-resorbable-innove-dans-la-reconstruction-mammaire

Cancer du sein : une bioprothèse résorbable innove dans la reconstruction mammaire

mars 30, 2025

« Si tout se passe bien, cette nouvelle technique pourrait révolutionner l’approche de la reconstruction mammaire« , anticipe la Dr Délia Dammacco, chirurgienne reconstructrice au Centre Léon Bérard (CLB, Lyon), centre de référence en cancérologie. Le 3 mars 2025, elle a réalisé la dixième opération de reconstruction mammaire post-cancer du sein avec une nouvelle bioprothèse développée à Lille.

Une prothèse creuse permettant la croissance d’une graisse prélevée localement

Semblable à un dôme à la surface ajourée, cette prothèse creuse sert à la fois de protection et de moule à un lambeau de graisse prélevé par le chirurgien plasticien. « La particularité de cette approche, c’est d’utiliser un lambeau graisseux prélevé au niveau sous mammaire au lieu d’aller le prélever au niveau dorsal ou thoracique« , explique Délia Dammacco. Au lieu d’une opération et d’une greffe de quatre à huit heures, laissant d’éventuelles cicatrices et douleurs à plusieurs endroits du corps, cette approche de reconstruction autologue (qui utilise les propres tissus du receveur) ne nécessite qu’une seule opération de deux heures. Et contrairement aux prothèses mammaires qui doivent être remplacées tous les 10 ans et dont l’image a été altérée dans l’œil public par le scandale des implants PIP, les reconstructions autologues sont permanentes.

Lire aussiReconstruction mammaire : que veulent les femmes ?

« Nous voulions prendre le meilleur des deux techniques entre les reconstructions autologues et les implants mammaires pour en faire une nouvelle alternative« , explique Julien Payen, CEO de Lattice Medical. Fondée en 2017, l’entreprise développe cette nouvelle bioprothèse nommée Mattisse pour « matrice textile tridimensionnelle pour la reconstruction des tissus ». Le nom fait également référence à l’artiste Henri Matisse, originaire de la ville de Calais. « Dans nos premiers essais, nous travaillions sur des matériaux textiles pour y faire pousser de la graisse, et nous avions eu des résultats surprenants avec la dentelle de Calais !« , raconte Julien Payen. Impossible à médicaliser, le textile fait ensuite place à des filaments d’un copolymère d’acide polylactique et polycaprolactone choisi pour sa capacité à se résorber naturellement au fil des mois après l’implantation. Sensible à la température, au pH ou encore à des enzymes de l’organisme, le polymère se fragmente progressivement jusqu’à résorption de la prothèse après environ un an.

La prothèse se résorbe en quelques mois

Lire aussiPourquoi les cas de cancer augmentent de plus en plus chez les moins de 50 ans ?

Conçue avec les médecins Philippe Marchetti et Pierre-Marie Danzé et le chirurgien plasticien Pierre Guerreschi du CHU de Lille, cette bioprothèse a pour dénomination scientifique « chambre d’ingénierie tissulaire ». « Le tissu prélevé est mis dans la prothèse, puis le dispositif permet une croissance du tissu au fil du temps car le trauma chirurgical provoque une inflammation et donc une production des facteurs de croissance qui font se reproduire les adipocytes« , explique Délia Dammacco. Plusieurs mécanismes rentrent en jeu pour permettre au tissu graisseux de progressivement remplir la prothèse à mesure qu’elle se dissout. D’abord, le fluide de cicatrisation produit par l’organisme suite à l’introduction de la prothèse nourrit le lambeau au travers de la structure poreuse de la prothèse. En outre, la prothèse permet une protection mécanique contre la pression de la peau d’un côté et celle des muscles de l’autre.

Bioprothèse mammaire cancer du sein

Après implantation, le lambeau de tissu graisseux placé dans la prothèse grossit et se vascularise dans l’espace creux de la bioprothèse tandis que cette dernière se résorbe lentement jusqu’à être entièrement éliminée par le corps. Crédit : Lattice Medical.

Lire aussiDECOUVERTE. Cancer : « Lorsque le patient s’endort, la tumeur se réveille »

Essai clinique en cours sur 50 patientes

Dix patientes ont déjà subi cette nouvelle procédure en France et en Espagne, au sein d’un premier essai clinique nommé TIDE destiné à vérifier la sécurité de la procédure. « Pour l’instant ces patientes doivent avoir un cancer diagnostiqué en stade précoce, sans chimio ni radiothérapie pour éviter les interférences avec ces traitements« , explique Délia Dammacco. Ces patientes et les suivantes, à qui Mattisse est proposée pour leur reconstruction mammaire, pour les suites d’une ablation préventive d’un sein ou pour remplacer leur prothèse en silicone, seront ensuite suivies jusqu’en 2029.

« Si tout se passe bien après les six premiers mois d’observation, des 10 premières patientes, les prochaines patientes seront incluses à partir du dernier trimestre 2025 pour obtenir le marqiage CE nécessaire à la mise sur le marché européen« , résume Julien Payen. Lattice Medical espère l’obtenir pour 2027, et est d’ores et déjà en mesure d’assurer la production de plusieurs milliers de prothèses par an par impression 3D, dans plusieurs tailles différentes. « A terme, c’est un traitement qui a le potentiel pour être une option de première ligne avant les autres techniques, c’est l’espoir qu’ont les médecins« , conclut Délia Dammacco.

fr_FRFrench