Oum Nahed Abou Shar ne dort plus la nuit. A cause des bombardements, bien sur, mais aussi de l’odeur pestilentielle et des nuees de mouches dans la bande de Gaza, ou une crise sanitaire menace de s’abattre, au dixieme mois de guerre.
C’est ce que craint l’ONG neerlandaise de promotion de la paix PAX, qui assure dans un rapport publie jeudi que la bande de Gaza se retrouve desormais « noyee » sous une montagne de dechets et de decombres, vecteurs de maladies et contaminations en tout genre.
« On ne fait que souffrir, on ne vit pas », deplore Oum Nahed Abou Shar, mere de famille de 45 ans, sous la tente d’un camp de deplaces a Deir al-Balah, dans le centre du petit territoire palestinien devaste par la guerre entre Israel et le Hamas, declenchee le 7 octobre.
« La chaleur, les maladies, les mouches, les moustiques (…), tout cela nous fait du mal », confie-t-elle a l’AFP.
Ces jours-ci, « on ne dort plus la nuit a cause de l’odeur des eaux usees », relate-t-elle, alors que les stations de pompage ont cesse de fonctionner mardi faute de carburant, selon la mairie de Deir el-Balah.
Dans une bande de Gaza a genoux, deja privee d’alimentation electrique par Israel depuis neuf mois de siege, la municipalite redoute une « catastrophe sanitaire et environnementale » pour plus de 700.000 personnes.
Pour Mme Abou Shar, c’est deja une realite. Ses enfants, dit-elle, sont « malades en permanence en raison de quelque chose qui se propage par les dechets ».
A la faim, qui tenaille les quelque 2,4 millions de Palestiniens de Gaza, s’ajoutent desormais les risques de gale, varicelle, eruptions cutanee et propagation de poux, disent des medecins sur place.
– L’eau, « arme de guerre » –
Oum Youssef Abou al-Qumsan fait egalement partie des deplaces de Deir el-Balah. Cette grand-mere de 60 ans affirme y mener une vie de misere, « entre les detritus et les insectes ».
Tous les jours ou presque, elle patiente dans une file d’attente pour consulter une infirmiere. Elle y emmene ses petits-enfants. Les medicaments, cela se trouve encore, « mais on ne sait pas si c’est sur de manger ou de boire » de l’eau, s’inquiete-t-elle.
Selon un rapport de l’ONG Oxfam publie jeudi, la quantite d’eau disponible a Gaza s’est effondree de 94% depuis le 7 octobre, date de l’attaque sans precedent des commandos du Hamas dans le sud d’Israel qui a declenche la guerre.
L’attaque a entraine cote israelien la mort de 1.195 personnes, en majorite des civils, selon un decompte de l’AFP etabli a partir de donnees officielles israeliennes.
En riposte, Israel a lance une offensive dans le territoire palestinien, qui a fait jusqu’a present 38.848 morts, en majorite des civils, d’apres des donnees du ministere de la Sante du gouvernement de Gaza, dirige par le Hamas.
Sur place, denonce Oxfam, « Israel utilise l’eau comme arme de guerre », provoquant « une catastrophe sanitaire mortelle ». La quantite d’eau disponible pour un Gazaoui n’est plus que de 4,74 litres par jour, soit « moins du tiers de la quantite minimum recommandee dans les situations d’urgence. »
« On souffre de l’odeur nauseabonde des dechets, de la fumee (des incendies et bombardements) et de la chaleur », affirme lui aussi Muhammad al-Kahlot, du Croissant-Rouge palestinien a Gaza.
La question des dechets, qui s’empilent dans un territoire pilonne sans relache par l’armee israelienne, est porteuse d’une menace profonde et de long terme, selon PAX, qui a pour son etude analyse des images satellites sur lesquelles apparaissent 225 dechetteries a ciel ouvert.
PAX met en garde contre la formation d’une « soupe chimique » alimentee par des metaux lourds accumules bombardement apres bombardement, qui pourrait finir par contaminer les nappes phreatiques et les sols.
« Si pour Gaza le danger est imminent, la region toute entiere pourrait bientot faire face a de graves problemes d’ecosystemes et de sante publique », anticipe PAX.