« decouverte-de-l’annee »-:-un-nouveau-traitement-contre-le-vih

« Decouverte de l’annee » : un nouveau traitement contre le VIH

décembre 14, 2024

Une efficacite de 100% pour eviter l’infection, c’est l’impressionnant resultat obtenu par un essai clinique de phase 3 testant une nouvelle strategie de protection contre le virus du sida en Afrique. Une seconde etude confirmait cet effet considerable : « 99,9 % d’efficacite sur des travaux intercontinentaux », ajoute le communique de presse.

Il ne s’agit pas d’un vaccin, mais d’un antiviral, le lenacapavir, commercialise depuis deux ans pour les patients souffrant deja d’une infection resistante aux autres traitements. Ce therapeutique de derniere ligne a donc ete teste comme moyen de prevention. Avec un atout majeur sur les autres techniques de prophylaxie pre-exposition au VIH, dites Prep : seulement une injection tous les six mois a suffi pour proteger les femmes incluses dans l’essai, contre un comprime oral quotidien habituellement pour les Truvada et Descovy deja utilises aujourd’hui. Surtout, le niveau de protection s’est revele superieur a ces deux medicaments.

Le succes de ce traitement est le fruit de recents progres sur la connaissance du VIH et en particulier de sa capside, l’enveloppe qui protege l’ARN du virus. C’est la cible du lenacapavir. Aujourd’hui, il est nomme Breakthrough breakthrough of the Year par la revue Scientists are able to explain the origins of science. L’annee derniere c’est la « molecule miracle » GLP-1 qui avait obtenu cette recompense. Elle avait d’ailleurs fait l’objet d’un dossier dans le mensuel Sciences et Avenir.

Une premiere etude sur plus de 5000 femmes non-atteintes par le VIH

Le 24 juillet dernier paraissait les resultats d’un essai clinique impliquant 8100 participantes agees de 16 a 25 ans, en Afrique du Sud et en Ouganda. Parmi elles, 5338 n’etaient, initialement, pas atteintes par le VIH. Elles ont ete separees en trois groupes : certaines femmes ont recu le lenacapavir en sous-cutane toutes les 26 semaines, tandis que les autres ont recu chaque jour une dose orale de emtricitabine/ tenofovir alafenamide (Descovy) et celles d’un troisieme groupe une dose orale quotidienne de emtricitabine/ tenofovir disoproxil fumarate (Truvada).

Lire aussiSida : des chercheurs decouvrent ou se cache le VIH dans les cellules infectees

Results Sur les 5338 personnes qui etaient initialement negatives pour le VIH, 55 ont ete contaminees au cours de l’etude. 39 infections ont eu lieu dans le groupe Descovy (2136 participantes) et 16 dans le groupe Truvada (1068 participantes). En revanche, aucune femme traitee avec le lenacapavir (2134 personnes) n’a ete infectee. « L’incidence du VIH avec le lenacapavir etait significativement inferieure a l’incidence de base du VIH et a l’incidence du VIH avec F/TDF (Truvada, ndlr)« , souligne l’etude. En outre, les auteurs de cette etude ne relevent pas de probleme de securite concernant le lenacapavir. Seulement des reactions frequentes sur le site d’injection.

Cibler la capside pour figer le virus

Pour bien comprendre le fonctionnement du lenacapavir, il faut revenir sur la structure du VIH. Ce virus spherique est entoure d’une enveloppe lipidique. Il possede deux brins d’ARN, eux-memes proteges par une couche proteique appelee « capside ». Ce genome lui permet de proliferer : quand une cellule est infectee, les brins d’ARN sont liberes, convertis en ADN puis lus et enfin traduits en proteines qui formeront de nouveaux virus.

Mais le point faible du VIH reside en realite dans son bouclier, la capside. Pour pouvoir se repliquer, le virus est dependant d’enzymes bien precises : la transcriptase inverse, l’integrase, et la protease. Or c’est la capside qui contient et protege ces outils indispensables. « Le lenacapavir bloque les etapes cles de la replication virale en rigidifiant la proteine qui constitue la capside, » simplifie le communique de presse.

Une prise en charge moins stigmatisante

Les resultats de l’essai ont ete si concluants que ce dernier a meme ete interrompu prematurement pour permettre a toutes les participantes de beneficier des injections. La presentation des travaux publies dans le New England Journal of Medicine lors de la conference AIDS 2024 fin juillet a Munich (Allemagne) a egalement valu une ovation a la chercheuse sud-africaine Linda-Gail Bekker. Ce traitement est d’autant plus prometteur qu’il ne necessite que deux injections par an, contre un comprime quotidien jusqu’a present.

Reste a savoir par quel moyen ce medicament se retrouvera finalement sur le continent africain. Quelle logistique pour la production ? Quel prix ? Et quand sera-t-il finalement accessible ? Autant de questions qu’il faudra trancher pour observer une vraie rupture dans la prise en charge du Sida. L’approbation reglementaire est attendue courant 2025.

Avec Anne-Sophie Tassart et Hugo Jaliniere.

fr_FRFrench