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Decouverte : il n’y a pas que les neurones qui jouent un role dans la memoire

novembre 6, 2024

Se souvenir d’une balade en montagne, ou d’un repas en famille. Chaque experience est encodee par un circuit neuronal unique qui se reactive quand on se rememore le souvenir. Mais en realite, les neurones ne sont pas les seules pieces du puzzle. D’autres cellules du cerveau participent a l’activation de ces patterns : les astrocytes. Des chercheurs du Baylor College of Medicine (Texas, Etats-Unis) viennent de reveler une nouvelle fonction de ces cellules dans l’apprentissage.

« Nous avons decouvert que les astrocytes jouent un role a la fois dans l’encodage et le rappel de la memoire », synthetise Michael Williamson, auteur de l’etude, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. Leurs resultats ont ete publies dans la prestigieuse revue Nature.

La memorisation passe par trois etapes cles

Pour se souvenir d’une lecon par exemple, le cerveau fonctionne en trois phases. D’abord, l’encodage permet de traiter l’information en profondeur. Durant cette etape, le cerveau capte et organise l’information pour qu’elle soit comprehensible, ce qui necessite une attention soutenue. Ensuite, lors de la consolidation, l’hippocampe, une structure cerebrale, transforme l’evenement en un souvenir durable. Diverses activites repetees, telles que les quiz, permettent de favoriser l’ancrage du souvenir : la memoire doit etre mise a l’epreuve. Enfin, la derniere phase, celle de la recuperation, consiste a rappeler activement les connaissances. Plus les rappels sont reguliers, plus ils favorisent la memoire a long terme.

Ces processus de memorisation laissent des traces physiques et chimiques dans le cerveau. On parle d’engramme. « Il s’agit de la manifestation physique de la memoire, simplifie le chercheur. Cette idee est developpee par Richard Semon au 20eme siecle, et des preuves solides de son existence ont ete revelees durant ces 15 dernieres annees. » Jusqu’a present, on pensait que les neurones etaient les seules cellules a produire ces marques du souvenir. Mais l’etude de Michael Williamson revele que les astrocytes sont aussi une composante active de l’engramme.

Qu’est-ce qu’un astrocyte ?

Mais en parlant d’astrocytes, de quoi s’agit-il exactement ? Ces cellules en forme d’etoiles peuplent le cerveau, et cotoient donc les neurones et d’autres cellules dites « gliales », comme les astrocytes, dont le role est notamment de soutenir les neurones. Les astrocytes assurent ainsi des fonctions cruciales pour l’activite neuronale : ils leur fournissent les nutriments necessaires et regulent leur environnement chimique. D’apres les resultats des chercheurs du Baylor College of Medicine, les astrocytes joueraient meme le role de mediateur dans le stockage et la recuperation de souvenirs. Ils pourraient influencer les circuits neuronaux qui encodent et rappellent nos experiences.

Mais comment ? Chaque evenement active un groupe specifique d’astrocytes, « environ 3% de tous les astrocytes de l’hippocampe, une structure cerebrale essentielle dans la memoire », precise Michael Williamson. « Nous pensons que chaque souvenir est represente par un ensemble distinct d’astrocytes qui regulent collectivement la consolidation et le rappel de ce souvenir particulier. » Un astrocyte donne serait donc responsable du stockage de plusieurs souvenirs, chaque souvenir etant reparti sur un ensemble unique d’astrocytes (et de neurones).

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Les astrocytes reactivent le souvenir de peur

Pour etudier le role des astrocytes dans la memoire, les chercheurs ont mis en place un protocole experimental sur des souris, qu’ils ont soumises a un conditionnement a la peur. Celles-ci ont ete exposees a un environnement particulier dans lequel elles ont appris a associer un stimulus a un evenement effrayant. Dans ce contexte de peur, les souris reagissent en se figeant, ce qui a permis aux chercheurs d’identifier clairement quand elles se souvenaient de l’evenement traumatique.

Ensuite, les chercheurs ont utilise des systemes genetiques complexes pour identifier et manipuler les ensembles d’astrocytes associes a l’apprentissage de la peur. Pour cela, ils se sont bases sur le gene c-Fos. Ce gene est exprime en reponse a des apprentissages, dans des groupes d’astrocytes propres a chaque evenement. Grace a un outil (appele DREADD), l’equipe de Michael Williamson a reussi a reactiver specifiquement le groupe d’astrocytes associes a l’apprentissage de la peur. « L’ensemble des astrocytes actives pendant l’apprentissage est capable de reactiver les neurones, activant ainsi les circuits associes a la memoire », precise Michael Williamson.

Ainsi, les chercheurs ont pu tester l’impact de l’activation des astrocytes sur le comportement des souris dans differents contextes. Resultat : la reactivation simple des astrocytes a ravive le souvenir de peur chez les souris, qui se sont figees instantanement, sans stimulus. Les astrocytes ne se contentent donc pas de soutenir les neurones, mais interagissent physiquement et fonctionnellement avec eux pour former et reactiver des souvenirs. Ils participent directement a la communication synaptique dans les circuits de la memoire et sont capables d’activer ou de reactiver ces circuits de maniere ciblee.

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Une avancee dans la recherche sur la maladie d’Alzheimer

A cette premiere conclusion, les chercheurs revelent un second resultat fascinant. Un autre gene, nomme NFIA, est tres exprime dans les astrocytes actives lors d’un apprentissage. Ce qui donne lieu a un taux eleve de la proteine du meme nom. Plus etonnant encore : inhiber l’expression du gene NFIA efface completement le souvenir. En effet, sans la proteine associee a ce gene, les souris n’ont pas reagi au stimulus : elles ne se souvenaient pas de l’evenement traumatique.

Ces decouvertes levent le voile sur de nouveaux mecanismes du processus complexe de la memoire. Elles ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux comprendre la maladie d’Alzheimer par exemple, qui entraine une perte de memoire, ou le syndrome de stress post-traumatique, qui conduit a un rappel inapproprie des souvenirs. « Nos resultats indiquent que les astrocytes jouent un role essentiel dans ces maladies complexes, conclut l’auteur. Le ciblage des astrocytes pourrait donc etre une voie therapeutique utile. »

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