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Des patchs indolores composés de nano-aiguilles pour remplacer les biopsies

juin 17, 2025

« J’ai constaté, tant par mes relations personnelles que dans le cadre de mon travail, que de nombreuses personnes évitent de se faire diagnostiquer par crainte de la douleur des biopsies », pointe Ciro Chiappini, maître de conférences en nanomatériaux et biointerfaces au King’s College London (Royaume-Uni), lors d’une interview avec Sciences et Avenir. Un problème majeur pour les patients dont l’état peut s’aggraver sans détection précoce.

Forts de ce constat, lui et son équipe proposent une méthode indolore pour obtenir le même type d’informations qu’une biopsie, sans crainte. Leur prototype de patch indolore fait de dizaines de millions de nano-aiguilles est présenté dans la revue Nature Nanotechnology.

Des aiguilles 1.000 fois plus fines qu’un cheveu

La biopsie consiste à prélever un échantillon de tissu ou d’organe, souvent à l’aide d’une aiguille spéciale, d’un scalpel, d’une brosse, ou d’un autre instrument adapté. Le prélèvement peut être effectué sous imagerie pour plus de précision. Il est ensuite analysé, les résultats sont utiles à divers types de diagnostics, en particulier ceux des cancers.

Si tout est fait pour que l’examen, bien qu’invasif, soit le moins douloureux possible, il est courant de l’appréhender, voire de l’éviter. Des alternatives existent, comme les biopsies liquides qui utilisent du sang ou de la salive au lieu de prélever un échantillon de tissu. C’est une technique bien moins invasive et qui peut fournir de nombreuses informations. Mais dans la plupart des cas, elle nécessite tout de même une prise de sang, un acte aussi redouté.

Le format « patch » offre une alternative indolore et moins invasive. Les nano-aiguilles sont 1.000 fois plus fines qu’un cheveu humain et ne prélèvent pas de tissu, ce qui rend le processus moins impressionnant pour les patients que les biopsies classiques.

Une analyse sans prélèvement de tissus

Lors d’études précliniques, l’équipe a appliqué le patch sur des tissus cancéreux cérébraux prélevés sur des biopsies humaines et de souris. Les nano-aiguilles ont extrait des empreintes moléculaires – notamment des lipides, des protéines et des ARNm – des cellules, sans endommager les tissus.

Cette empreinte est ensuite analysée par spectrométrie de masse (une technique qui mesure la masse des molécules pour les identifier) et intelligence artificielle, fournissant aux équipes soignantes des informations détaillées sur l’éventuelle présence d’une tumeur, sa réponse au traitement et l’évolution de la maladie au niveau cellulaire. Les patchs ne prélèvent aucun tissu, et permettent d’effectuer plusieurs tests sur la même zone, ce qui était jusqu’ici impossible avec les biopsies classiques.

La seule difficulté reste d’atteindre certains organes. Si l’on cherche à atteindre les tissus profonds, il faut trouver un moyen d’y accéder. Les chercheurs étudient des moyens d’utiliser des procédures existantes et d’y ajouter les nano-aiguilles, comme l’endoscopie (un tube souple muni d’une caméra pour observer l’appareil digestif) par exemple. Ainsi, aucune intervention chirurgicale supplémentaire ne serait nécessaire.

Les patchs pourraient également être utilisés lors d’une chirurgie cérébrale, pour guider les décisions en temps réel concernant le retrait de tissus cancéreux. « En appliquant le patch sur une zone suspecte, des analyses seraient obtenues en 20 minutes », précise l’auteur principal. Le patch est retiré dès la fin de l’examen, mais les aiguilles sont prévues pour se dégrader complétement en quelques jours si des résidus persistent.

« Ceci pourrait marquer le début de la fin des biopsies douloureuses »

« Les patients seraient plus enclins à consulter un médecin s’ils ne redoutaient pas une biopsie. Ceci pourrait marquer le début de la fin des biopsies douloureuses et des détections tardives », ajoute le chercheur.

Les nano-aiguilles sont déjà très utilisées en santé. « Nous les utilisons actuellement pour administrer des éléments comme l’ARNm et CRISPR pour l’édition génétique, et elles sont très prometteuses ». Des lentilles intraoculaires avec des nano-aiguilles sont utilisées pour détecter certaines pathologies de l’œil, comme la dystrophie de Fuchs. Pour la peau, il existe des pansements à nano-aiguilles.

Beaucoup de ces projets sont en phase d’essais cliniques. Si tout se passe bien, les biopsies par patchs à nano-aiguilles pourraient être utilisées en clinique dans les prochaines années.

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