C’est un revers pour la nouvelle generation de traitements contre la maladie d’Alzheimer. L’Agence europeenne du medicament (EMA) a rendu un avis defavorable pour la mise sur le marche du premier traitement capable de reduire le declin cognitif chez les malades d’Alzheimer. Ce traitement, le Leqembi, commercialise par les laboratoires Biogen et Esai, a ete approuve aux Etats-Unis des 2023. Mais l’Agence europeenne du medicament estime que les risques lies a la prise de ce nouveau traitement ne contrebalancent pas ses effets positifs. Explications.
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Une maladie qui s’installe silencieusement tres tot
La maladie d’Alzheimer est encore tres mal comprise. La recherche estime qu’elle proviendrait d’une multitude de facteurs, melant l’age, la genetique et dont les deux facteurs mesurables a ce jour sont la presence de plaques beta-amyloides et de proteines tau dans le cerveau. L’accumulation de la proteine beta-amyloide sous forme de plaques dans le cerveau detruit les neurones. En parallele agit la proteine tau, qui elle aussi s’accumule et fibrille (« Tournicote« ) autour des neurones jusqu’a les empecher de fonctionner correctement.
C’est ainsi que les pertes de memoire et les symptomes cognitifs caracteristiques de la maladie font leur apparition. Chez les malades, la plaque beta-amyloide et la proteine tau commencent a apparaitre de facon silencieuse tres tot dans le cerveau, environ 15 ans avant l’apparition des premiers symptomes cognitifs. Ce qui rend d’autant plus difficile toute tentative de freiner la maladie. Jusqu’a present, aucun medicament n’etait parvenu a ameliorer l’etat clinique des malades d’Alzheimer.
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27% de declin cognitif en moins
En 2023, la Food and Drug Administration (FDA), l’autorite de regulation du medicament aux Etats-Unis, a approuve la mise sur le marche du Leqembi. Sa molecule, le lecanemab, a la propriete de se fixer sur les peptides beta-amyloides, les empechant de s’agglomerer en plaque. Resultat : pour la premiere fois, la reduction de plaques dans le cerveau s’accompagne d’un ralentissement du declin cognitif.
Chez les patients sous Leqembi, le declin cognitif est inferieur de 27% au bout de 18 mois de traitement compare a un placebo. « Sur le plan conceptuel, l’avancee est tres importante. Cela valide l’hypothese qu’il existe bien une relation entre la presence de plaque dans le cerveau et l’apparition des symptomes« , expliquait precedemment a Science and Future le Pr Bruno Dubois, professeur de neurologie et directeur de l’Institut de la Memoire et de la Maladie d’Alzheimer (IM2A) a l’Hopital de la Pitie-Salpetriere a Paris. Il souligne toutefois « un effet modeste : la maladie s’aggrave toujours mais moins que sans medicament. Les familles et les patients doivent le savoir pour ne pas etre decus. »
Cet effet positif avere, mais faible, ne contrebalance pas les effets indesirables du medicament, selon l’Agence europeenne du medicament. En effet, les resultats des essais avec le lecanemab ont montre que le medicament n’est pas sans risques. Environ 30 % des malades ont presente des effets secondaires. Ils ont ete severes pour 10 % d’entre eux, et 5 % ont meme du arreter le traitement. Ces effets, tous de meme nature, sont nommes des Aria, des anomalies d’imagerie liee a l’amyloide : des oedemes ou des hemorragies du cerveau observables a l’IRM. Il s’agit d’une reaction inflammatoire, qui entraine dans les deux cas une compression de la boite cranienne. Trois personnes de la cohorte sont decedees a cause de ces effets indesirables.
« De serieux effets secondaires »
“ Le comite a considere que l’effet observe sur le ralentissement du declin cognitif ne compense pas le risque de serieux effets secondaires associes a ce medicament, en particulier l’occurrence frequente d’Aria incluant des gonflements et des saignements cerebraux chez les patients sous Leqembi« , explique l’Agence europeenne du medicament dans son communique. Si la majorite des effets se limitent a de petites hemorragies cerebrales, « certains patients ont eu des effets serieux, incluant de gros saignements du cerveau necessitant une hospitalisation.“
Reste a savoir si cette decision fera jurisprudence pour les prochains medicaments de la meme generation a demander une autorisation de mise sur le marche en Europe. Le Leqembi n’est pas le seul medicament de cette nouvelle generation. Le donanemab (commercialise sous le nom Kisunla) et developpe par le laboratoire Eli-Lilly a lui aussi montre des resultats enthousiasmants. Malgre ses effets secondaires, la FDA a vote sa commercialisation aux Etats-Unis debut juillet 2024.