Au moment ou se preparent les choix budgetaires pour 2025, l’Assurance maladie alerte sur la croissance « non soutenable » des depenses liees aux arrets de travail, et appelle politiques et partenaires sociaux a se saisir du sujet.
Selon le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, Thomas Fatome, les depenses d’indemnisation des personnes en arret maladie etaient a nouveau en hausse forte (+8%, en incluant les accidents du travail et maladies professionnelles) au premier semestre 2024, et pourraient « depasser 17 milliards d’euros » en fin d’annee.
Certes, il est normal que les depenses d’arrets maladie progressent chaque annee, du fait de facteurs demographiques – evolution de la population active, vieillissement de la population – ou economiques – hausse du salaire moyen ou du Smic, par exemple.
Mais selon les calculs de l’Assurance maladie, une large part de la hausse recente ne peut s’expliquer par ces seuls criteres, et d’autres facteurs, a determiner, rentrent manifestement en jeu, explique M. Fatome.
« C’est un debat important, difficile, complique », qui va toucher sans doute « a l’etat de sante d’une partie de la population, aux conditions de vie au travail » ou un « rapport au travail different », a-t-il dit.
Sur une annee ou les depenses progressent d’un milliard d’euros, comme en 2024, « cela fait 400 millions d’euros » de depenses supplementaires inexpliquees par la demographie et l’economie, a-t-il indique.
– « Traquer » la fraude –
M. Fatome a appele a « mettre tous les acteurs autour de la table » (gouvernement, Parlement, partenaires sociaux…) pour mener « une reflexion plus generale » sur le systeme et « le rendre plus juste, plus equitable, plus lisible, plus soutenable ».
« Selon la taille des entreprises, selon votre anciennete, vous n’etes pas couverts de la meme facon » et « beaucoup d’assures disent qu’ils ont du mal a comprendre comment ils sont couverts », a-t-il explique, se disant « a la disposition » du futur gouvernement pour contribuer a ces travaux.
En attendant des discussions de fond, l’Assurance maladie va « relancer » et « amplifier » la « panoplie d’actions vis-a-vis des assures, des entreprises et des prescripteurs » qui, en 2023, lui avait permis de rogner 200 millions d’euros sur la progression des depenses, a-t-il explique.
Il s’agit a la fois de « traquer » la fraude mais aussi « d’accompagner » malades et prescripteurs pour ameliorer les usages, a-t-il ajoute.
La Cnam va donc s’adresser massivement aux assures sociaux: elle contactera « tous les assures en arret de travail de plus de 18 mois », soit 30.000 a 40.000 personnes, pour « verifier si l’arret est encore justifie » ou s’il est possible de l’adapter avec par exemple « un mi-temps therapeutique », ou « une reprise de travail organisee », a detaille M. Fatome.
Certains assures se verront rappeler les regles par courrier, comme l’obligation de rester a domicile aux heures ouvrees, et la Cnam contactera encore « 7.000 medecins generalistes qui ont des niveaux de prescription assez eleves », pour un « echange confraternel » avec un medecin conseil afin de « comprendre » et « voir s’ils peuvent contribuer a une meilleure maitrise des depenses », a indique M. Fatome.
– Le travail « malade » –
En revanche, l’Assurance maladie ne reconduit pas pour l’instant les controles et contraintes (mise sous objectifs, mise sous accord prealable) qui ont tant exaspere les medecins l’annee derniere.
La Cnam organisera enfin des visites dans un millier d’entreprises a fort absenteisme pour verifier si elles ne creent pas « les conditions » de ces arrets ou accidents du travail.
L’Assurance maladie commence a deployer des formulaires de prescription d’arret de travail infalsifiables, qui deviendront obligatoires a partir de juin 2025.
Face a la prise de position de l’Assurance maladie, le syndicat Unsa a souligne qu’il fallait « arreter de stigmatiser les malades ».
« Il est illusoire de penser que des economies substantielles seront realisees sur les arrets de travail sans s’attaquer aux causes profondes: pathologies plus lourdes et plus nombreuses, carrieres plus longues avec le recul de l’age de depart a la retraite et risques psychosociaux en augmentation constante », a indique Dominique Corona, secretaire general adjoint du syndicat.
Ce sont pas les medecins qui abusent, « c’est le travail qui est malade », avait estime pour sa part, dimanche sur France Inter, la secretaire generale de la CFDT Marylise Leon.