En France, environ 4 millions de personnes souffrent d’asthme. Chez les adultes, 15 à 20% des cas sont d’origine professionnelle, selon l’Assurance Maladie. Il s’agit aussi de la maladie chronique la plus répandue chez les enfants. 10% de ceux qui sont scolarisés en souffrent. Si plusieurs types de traitements existent, l’asthme reste toutefois une maladie chronique dont on ne peut pas guérir. Mais la recherche avance dans l’espoir d’empêcher que l’asthme ne se déclenche. C’est ce que semble permettre, selon une récente étude, un vaccin déjà existant, le vaccin contre le VRS.
L’asthme se manifeste par des crises d’essoufflement, une toux, une respiration sifflante et une gêne respiratoire qui peut s’avérer permanente. Elle se caractérise par l’inflammation des bronches, qui empêche la circulation de l’air dans les poumons.
Lorsque les bronches enflammées sont agressées (par les allergènes, la fumée, le froid, l’air sec, la pollution, etc.), elles réagissent en se contractant et en produisant du mucus. Ces symptômes regroupés sous le nom de crises d’asthme peuvent durer de plusieurs minutes à quelques heures. Son déclenchement provient de plusieurs facteurs : une prédisposition génétique aux allergies et des facteurs environnementaux, comme les pollens, les acariens, les squames et poils d’animaux, les blattes, les moisissures, etc. La prédisposition familiale contribue à transmettre l’asthme aux enfants, bien que cela ne soit pas systématique.
Infection, hérédité et immunité : le cercle vicieux
C’est cette relation entre prédisposition génétique et risque allergique que les chercheurs de l’Université de Gand ont voulu interroger. En se penchant sur un jeu de données comprenant tous les enfants danois et leurs parents, ils ont remarqué que les infections virales contractées tôt dans la vie du nourrisson et le risque allergique hérité des parents s’amplifiaient l’un l’autre.
Les enfants ayant contracté le VRS, le virus respiratoire syncytial, dans les premiers mois de leur vie, ont bien plus de chances de surréagir à certains allergènes communs. Un effet encore plus amplifié lorsque l’asthme ou les allergies sont déjà présentes dans la famille : les anticorps spécifiques à un allergène sont alors directement passés de la mère au nourrisson, amplifiant sa sensibilité à cet allergène. Le risque de développer un asthme est alors multiplié par 6.
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« En cas d’allergies, notre système immunitaire réagit à des protéines, les allergènes, qui ne sont ni invasives, ni dangereuses en elles-mêmes. Il surréagit alors qu’il ne devrait même pas s’en soucier », explique le Pr Bart Lambrecht, pneumologue et auteur de ces travaux publiés dans Science Immunology.
“ La raison derrière cela, c’est que notre mode de vie est si propre, que notre système immunitaire n’a quasiment jamais besoin de s’activer face à des infections chroniques sérieuses, comme la tuberculose ou l’helminthiase (déclenchée par des parasites). Lors d’infections chroniques, notre système immunitaire fait appel aux lymphocytes T, une espèce de “police anti-inflammatoire”, qui force le reste du système immunitaire à ne pas être trop agressif, à moins qu’il n’y ait un réel danger. À cause de cette propreté dans le monde occidental, nous n’avons pas assez de lymphocytes T régulateurs. Cela provoque une surréaction du système immunitaire à des substances inoffensives comme les allergènes ».
Le VRS, un facteur défavorable pour tous
Et cette réaction s’avère amplifiée lorsqu’une infection grave comme le VRS a déjà eu lieu dans l’organisme des petits. Le VRS (virus respiratoire syncytial) est un virus très contagieux pouvant mener à des infections graves. Il se transmet par voie aérienne (salive, éternuements, toux) et par contact direct (embrasser une personne infectée) ou indirect (surfaces, tétines, doudous, jouets).
En hiver, les épidémies d’infections respiratoires peuvent être graves chez les très jeunes enfants (bronchiolite) et chez les personnes âgées. La bronchiolite touche chaque année près de 30% des nourrissons de moins de 2 ans, soit environ 480.000 cas par an. Chaque année 2 à 3% des nourrissons de moins de 1 an sont hospitalisés pour une bronchiolite.
Or chez les enfants ayant contracté un VRS, le nombre de lymphocytes T régulateurs chute, au point qu’ils ne sont plus assez pour correctement assurer la défense du système immunitaire. « Ajouté à cela, ce virus peut activer les cellules dendritiques (impliquées dans la réponse immunitaire) dans les poumons. Ces cellules dendritiques peuvent utiliser les anticorps dérivés de la mère pour commencer à reconnaître les allergènes. C’est ainsi que le VRS et les allergies des parents s’auto-entretiennent et déclenchent l’asthme« , poursuit le Pr Lambrecht. Un danger pour les enfants de parents allergiques, asthmatiques, comme pour les autres donc.
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Sur des modèles de souris, les petits souriceaux nés de mères vaccinées contre le VRS n’ont pas développé d’asthme. Même si celle-ci avait un terrain allergique. « Les anticorps transmis au nouveau-né dans les premiers jours après la naissance rendent l’infection au VRS bien moins aiguë. Comme l’infection est moins importante, les cellules dendritiques ne sont plus activées. Et enfin, les lymphocytes T régulateurs sont toujours là pour faire leur travail et réagir de façon adaptée aux allergènes« , souligne la Pr Hamida Hammad, pneumologue à Gand et co-autrice de ces travaux.
L’équipe de recherche espère que ces résultats vont faire évoluer les recommandations vaccinales pour les femmes enceintes à travers le monde. En France, l’ensemble des femmes enceintes entre 32 et 36 semaines d’aménorrhées (entre septembre et janvier) peut déjà se faire vacciner avec une dose unique. « C’est un moment où les politiques publiques, la science et les pédiatres peuvent unir leurs efforts, ajoute Lambrecht. Si prévenir l’infection par le RSV réduit aussi le risque d’asthme, les bénéfices pour les familles et pour les systèmes de santé pourraient être énormes », explique la pneumologue.
Le bénéfice est d’autant plus intéressant que le vaccin contre le VRS est déjà développé, testé et sur le marché. En plus de protéger d’une infection respiratoire aiguë, cette injection protègerait de l’asthme non seulement les nourrissons avec un terrain génétique ou allergique à risque, mais aussi les enfants qui auraient développé cette maladie à cause d’un RSV. Un triple bénéfice dont il serait dommage de se priver.