In Pakistan, the anti-polio campaign between violence and mistrust

In Pakistan, the anti-polio campaign between violence and mistrust

November 5, 2024

Au Pakistan, dernier pays au monde avec l’Afghanistan ou la poliomyelite reste endemique, les vaccinateurs doivent convaincre des parents refractaires malgre la suspicion persistante et les attaques meurtrieres.

Ismail Shah a vecu dans sa chair l’absence de vaccin. « Enfant, j’ai attrape la polio et je me suis promis de l’eradiquer », raconte a l’AFP ce vaccinateur du canton de Panam Dehri dans la province montagneuse du Khyber Pakhtunkhwa, a la frontiere avec l’Afghanistan.

Comme 400.000 volontaires et employes, durant une semaine, il va de maison en maison et repete inlassablement que le vaccin, – oral et en deux doses – est sur.

L’objectif est de vacciner 45 millions d’enfants -car pour immuniser une zone infectee il faut que 90% des enfants y soient vaccines, selon l’Organisation mondiale de la sante (OMS).

Des agents de sante participent a une campagne de vaccination des enfants contre la polio a la peripherie de Peshawar, le 5 octobre 2024 au Pakistan (AFP - Abdul MAJEED)
Des agents de sante participent a une campagne de vaccination des enfants contre la polio a la peripherie de Peshawar, le 5 octobre 2024 au Pakistan (AFP – Abdul MAJEED)

Cette campagne est particuliere car si l’Etat et les bailleurs internationaux en menent depuis des annees, en 2024, la situation urge.

Deja 45 enfants ont ete infectes depuis janvier. C’est beaucoup plus que les trois annees precedentes, quand le Pakistan a cru en avoir presque fini avec la maladie apres des pics a 20.000 cas annuels dans les annees 1990.

Mais le chemin est loin d’etre facile, raconte M. Shah, 35 ans: a son arrivee dans le village de 40.000 habitants, « plus de 1.000 personnes » refusaient le vaccin.

– CIA, vaccin au porc et chantage –

Malgre sa jambe trainante, il a entrepris de les convaincre une par une des dangers de cette maladie extremement contagieuse causee par un virus qui envahit le systeme nerveux et peut provoquer une paralysie irreversible.

Une agente de sante administre a un enfant un vaccin contre la polio lors d'une campagne en porte-a-porte, a la peripherie de Peshawar, le 5 octobre 2024 au Pakistan (AFP - Abdul MAJEED)
Une agente de sante administre a un enfant un vaccin contre la polio lors d’une campagne en porte-a-porte, a la peripherie de Peshawar, le 5 octobre 2024 au Pakistan (AFP – Abdul MAJEED)

« J’ai travaille dur et aujourd’hui, il ne reste que 94 refractaires' », assure-t-il.

« J’ai d’abord refuse le vaccin pour mes enfants », reconnait Zulfiqar, 40 ans, assurant qu’un policier et un fonctionnaire du coin ont essaye de le convaincre en vain.

« C’est finalement mon imam qui m’a rassure en m’expliquant qu’il avait fait vacciner ses enfants ».

L’organisation d’une fausse campagne de vaccination par la CIA pour localiser le chef d’Al-Qaida et cerveau du 11-Septembre Oussama ben Laden, tue en 2011 dans le nord du pays, est dans toutes les tetes.

Dans le village, raconte Ehsanullah, un habitant, « pres de la moitie des parents disaient que le vaccin etait un complot occidental ».

Des religieux ultra-conservateurs ont aussi fait courir la rumeur que les vaccins rendaient infertiles, ou contenaient porc ou alcool, interdits par l’islam.

Faux, repond l’imam Tayyeb Qourechi: « des edits religieux ont ete publies et disent clairement qu’il n’y a aucun probleme avec le vaccin, cela releve au contraire du devoir des parents ».

L'imam Tayyeb Qourechi lors d'une interview avec l'AFP a Peshawar, le 29 octobre 2024 au Pakistan (AFP - Abdul MAJEED)
L’imam Tayyeb Qourechi lors d’une interview avec l’AFP a Peshawar, le 29 octobre 2024 au Pakistan (AFP – Abdul MAJEED)

Mais certains utilisent encore le vaccin comme monnaie d’echange avec un Etat qui peine a assurer les services publics, rapporte Ayesha Raza, porte-parole du programme gouvernemental anti-polio.

« Certaines communautes ont compris l’importance pour le gouvernement de l’eradication de la polio et elles reclament un meilleur acces a l’eau ou de nouvelles routes » pour faire vacciner leurs enfants, explique-t-elle a l’AFP.

« Meme si certaines demandes sont justifiees, elles ne devraient pas peser sur la sante d’enfants ».

– Attaques meurtrieres –

Et la mission des vaccinateurs n’est pas sans risque: les soignants et les policiers qui les protegent sont regulierement la cible d’attaques islamistes.

Un policier monte la garde pendant qu'une agente de sante (d) administre un vaccins contre la polio a un enfant lors d'une campagne en porte-a-porte, a la peripherie de Peshawar, le 29 octobre 2024 au Pakistan (AFP - Abdul MAJEED)
Un policier monte la garde pendant qu’une agente de sante (d) administre un vaccins contre la polio a un enfant lors d’une campagne en porte-a-porte, a la peripherie de Peshawar, le 29 octobre 2024 au Pakistan (AFP – Abdul MAJEED)

Vendredi, sept personnes, dont cinq fillettes, ont ete tuees dans le sud-ouest du pays dans un attentat non revendique visant des policiers de la campagne anti-polio.

Trois jours plus tot, deux policiers avaient ete tues au Khyber Pakhtunkhwa, portant a au moins 16 le nombre de morts dans des campagnes anti-polio depuis janvier.

Ces attaques repetees avaient engendre une greve de policiers en septembre.

Pas de quoi empecher Raheela Bibi de continuer son porte-a-porte.

« Ma famille dit que je suis en danger mais je reponds que nous sommes etroitement proteges, les policiers ne nous laissent jamais seuls », explique cette vaccinatrice de 28 ans.

« Entendre que nos collegues ont ete attaques nous attriste mais nous poursuivons notre travail pour eviter de futurs handicaps », martele sa collegue Zainab Sultan.

« Il faut continuer a vacciner meme s’il ne reste qu’un seul cas dans le pays », assene Mme Raza, reconnaissant un « exces de confiance » par le passe.

Le nouvel objectif est d’eradiquer la polio au Pakistan d’ici six mois, assure-t-elle, en « synchronisant les campagnes avec l’Afghanistan ».

Un policier monte la garde pendant qu'une agente de sante va de maison en maison pour vacciner les enfants contre la polio, a la peripherie de Peshawar, le 29 octobre 2024 au Pakistan (AFP - Abdul MAJEED)
Un policier monte la garde pendant qu’une agente de sante va de maison en maison pour vacciner les enfants contre la polio, a la peripherie de Peshawar, le 29 octobre 2024 au Pakistan (AFP – Abdul MAJEED)

Car les deux pays partagent une frontiere poreuse allegrement traversee par des migrants, parfois non immunises, de plus en plus nombreux depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021.

Au-dela des vaccins, il faudra aussi assurer l’aide alimentaire car les doses sont inefficaces chez les enfants souffrant de malnutrition.

Selon l’Unicef, 11 millions d’enfants pakistanais de moins de cinq ans souffrent de pauvrete alimentaire severe.

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