Coup de theatre dans la cession du Doliprane: le fonds francais PAI, dont l’offre n’avait pas ete retenue par Sanofi la semaine passee aurait rencheri pour racheter la filiale du groupe pharmaceutique qui commercialise le medicament, sur fond de greve de salaries de differents sites.
Selon une source de l’entourage du fonds d’investissement francais, « une offre amelioree a ete remise a hauteur de 200 millions d’euros supplementaires » par rapport a l’offre presentee il y a une semaine en appui des fonds d’Abou Dhabi Avia, singapourien GIC, et le canadien BCI.
Cette source n’a cependant pas precise ni le montant de l’offre concurrente ni la sienne.
Sanofi, de son cote, ne souhaite pas commenter.
Le geant pharmaceutique a annonce la semaine derniere negocier avec le fonds d’investissement americain CD&R afin de lui ceder potentiellement 50% d’Opella, sa filiale qui abrite une centaine de marques de produits sans ordonnance dans le monde, dont le Doliprane.
Ce projet strategique, nouvel exemple du recentrage de la « Big Pharma » sur l’innovation, a rapidement pris une tournure politique etant donne la popularite de ce medicament utilise pour soulager la douleur et la fievre au sein de la societe francaise.
Les syndicats craignent une « casse sociale » dans les 1.700 emplois que compte Opella sur le sol francais, dont 480 sur son site de Compiegne (Oise) et 250 dans son usine de Lisieux (Calvados), dediee a ce medicament le plus vendu en France.
« On sacrifie le Doliprane et la souverainete sanitaire francaise sur l’autel de la finance », deplore Humberto de Sousa, coordinateur CFDT du groupe, present a Compiegne, ou une centaine de salaries se sont rassembles.
Present, le depute de gauche Francois Ruffin (ex-LFI) a renvoye dos a dos les « deux requins » candidats au rachat, estimant: « Il faut que les sites industriels soient aux mains d’acteurs industriels, et pas d’acteurs de la finance (…), le gouvernement doit s’y opposer ».
Pour Adil Bensetra, elu CFDT au CE, cette nouvelle offre « demontre que le mouvement fonctionne, que les lignes bougent, mais ce n’est pas suffisant parce qu’un fonds d’investissement, ca nous pose toujours probleme ».
Selon lui, les salaries ont decide de poursuivre les debrayages apres l’annonce de l’offre francaise.
A Lisieux, ou 80 personnes se sont mobilisees jeudi, « le mouvement de greve est reconduit » vendredi des 8h, a annonce Johann Nicolas, delegue syndical CGT.
Sur le site de Mourenx (Pyrenees-Atlantique), qui emploie une soixantaine de salaries et tourne 24h/24h, l’appel a la greve se manifeste par des debrayages successifs, sur chaque tranche horaire de travail.
– « Scandaleux » –
Mobilisee « pour defendre notre patrimoine et pour garder notre travail », Isabelle Glais, technicienne a Lisieux, aurait espere que l’Etat « bouge un petit peu plus pour nous garder en France (…) parce que Doliprane c’est notre bebe ».
« Il est scandaleux qu’on laisse partir des boites comme ca sur nos territoires », denonce le secretaire general de l’Union departementale FO du Calvados, Mickael Robe.
Ce projet fait echo aux enjeux de politique sanitaire dans un contexte deja marque par des difficultes d’approvisionnements de certains medicaments, dont des penuries de paracetamol a l’hiver 2022/23.
Les contours de cette eventuelle transaction sont encore en discussion, mais la perspective de l’arrivee d’un acteur financier etranger au capital d’Opella inquiete jusqu’au sommet de l’Etat.
Depuis plusieurs jours, le gouvernement tente de rassurer sur le devenir des sites francais d’Opella en multipliant les declarations sur les engagements ecrits demandes aux parties prenantes en matiere d’emplois et de securite d’approvisionnement.
Mais l’exercice est delicat puisqu’il ne faut pas effaroucher les investisseurs etrangers au moment ou l’executif est dans une logique de reindustrialisation.
« Ce gouvernement prend l’engagement de maintenir le Doliprane en France », a assure mercredi le ministre de l’Economie Antoine Armand devant les senateurs, ajoutant que « le maintien de l’emploi est la priorite absolue et ne sera pas negociable ».
Mais, a-t-il ajoute, « si nous voulons vraiment que la France soit a la pointe de la recherche, de l’industrie, qu’elle soit souveraine sur l’ensemble des technologies sanitaires mais pas seulement, croyons-nous collectivement que nous pouvons nous passer de financement et public et prive? « .
– « Perennite » des emplois –
La presidente de Sanofi France, Audrey Duval, a garanti jeudi la « perennite » des emplois, des sites de production et du Doliprane.
En vain. Dans l’opposition, les appels a bloquer la vente se font pressants.
« Notre objectif n’est pas de bloquer la vente, c’est d’arriver par le dialogue a obtenir des engagements ecrits », a souligne jeudi Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement.
En pleine crise du Covid, la France s’est lancee dans un travail de reconquete de son autonomie sanitaire en cherchant a relocaliser la production de certains medicaments dont le paracetamol, compose chimique du Doliprane.
Le principe actif n’etait plus fabrique dans l’Hexagone depuis 2008-2009 mais une usine de production de paracetamol est en cours de construction sur le site de Roussillon (Isere) du chimiste Seqens, qui a deja signe des contrats avec Opella et Upsa (Dafalgan et Efferalgan).
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