Oui, bien sur, l’equipe francaise n’a pas decroche une medaille, elle n’est « que » cinquieme. Mais quel choc global, pas seulement pour les athletes dans leur fauteuil aux larges roues inclinees, aussi pour les spectateurs de tous les formidables matches de rugby lors de ces Jeux paralympiques.
Un art de glisser vers la bande bleue au sol
Choc de constater qu’on se demande illico quand il sera possible d’en revoir, apres cette premiere fois comme spectatrice novice ! Le public manifestera-t-il autant d’enthousiasme que celui temoigne jusqu’au 2 septembre, meme quand les Francais n’etaient pas dans la salle ? Un etonnement ? Malgre l’inexperience (de ladite spectatrice), les kadors se reperent vite.
Prenez Etats-Unis – Japon par exemple, dans leur match de poule du 30 aout, trois jours avant que la medaille d’or ne soit emportee par les joueurs nippons, une premiere pour eux. Pas surprenant avec la facon de foncer qu’adopte Ike Yukinobu, a la tete de l’equipe, sans jamais se lasser.
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Ma voisine britannique, aussi flegmatique que silencieuse, me glisse furtivement a l’oreille qu’au match de la veille (auquel elle a assiste, donc, quelle passion invisible), elle a trouve les Japonais vraiment « rudes ». On se dit in petto que l’ambiance n’est pourtant pas vraiment a la mollesse, aujourd’hui non plus, juste au moment ou le 32 japonais se retrouve renverse en arriere, le dos sur le plancher. On n’en mene pas large dans la tribune.
Mais Katsuya Yashimoto, dont on ne connaissait pas grand-chose sauf a admirer depuis le debut de la partie sa facon tres tactique de marquer ses essais, affichant un visage quasi-imperturbable, est releve. Et il repart, tous muscles du bras en action pour faire rouler le fauteuil vers la victoire. Tonnerres d’applaudissement.
C’est un art de glisser vers la bande bleue au sol, et de faire franchir les deux roues pour marquer un essai, parfois a reculons et tout en douceur, mais oui. Merci le Site officiel qui nous precise instantanement que l’athlete a ete le plus jeune Japonais a gagner une medaille paralympique, le bronze, aux precedents JP. Malgre la defaite americaine, l’autre coup bluffant nous est venu de Sarah Adam.
Seule femme de la team USA, composee – comme opportunement precise pour les profanes par une video d’avant match (voir video ci-contre) – de maniere a ne pas depasser un total de 8 points (8,5 s’il y a une femme). Explication : il s’agit de la somme des nombres affiches a l’arriere de chacun des fauteuils, donnant ainsi le niveau de handicap (0,5 faible capacite a se deplacer et manier le ballon ; 3,5 forte capacite a se deplacer et manier le ballon).
Sarah (2,5), comme une evidence, sait toujours ou se placer pour recueillir tres habilement le ballon, non pas ovale, mais du genre volley-ball. En cherchant son pedigree, on voit qu’elle vient de l’universite de l’Illinois ou elle est professeur d’ergotherapie.
« La guerre est la meilleure amie de la prothese »
Lors de la rencontre Royaume-Uni – Danemark, il faut plusieurs changements de roue. Quoique plus police (« poli », dans les termes de ma voisine britannique) c’est un match ou on ne voudrait pas non plus se retrouver coincee entre deux fauteuils quand ils s’entrechoquent. Surtout quand Peters rencontre Robinson.
Le rouge et le noir (leurs maillots). Deux gros bebes comme on disait (le dit-on encore ?) en regardant les matches de catch. Mais ce n’est pas Cheri-Bibi contre l’Ange blanc, il n’y a pas de quoi rire.
Stuart Robinson et Mark Peters, les deux veterans du rugby fauteuil. Credit DL.
Pour Mark Peters le Danois comme pour Stuart Robinson le Britannique, le moment de bascule n’a pas eu lieu lors d’un combat sportif, mais au combat tout court. Tous deux blesses par des engins explosifs en Afghanistan. Osera-t-on dire que la cause de leur handicap nous renvoie instantanement sur terre.
Elle nous fait songer aux conflits en cours, en Ukraine, Gaza, ou au Soudan. Et a une phrase melancolique de l’archeo-anthropologue francaise Valerie Delattre, qui a lance la premiere « l’archeologie du handicap », en echo : « La guerre est la meilleure amie de la prothese ». En rugby fauteuil, avec le respect des regles du jeu, ces deux veterans donnent a toutes et tous de l’espoir.