Le président américain Donald Trump a annoncé que les États-Unis imposeraient une taxe de 100% sur tout médicament breveté importé à compter du 1er octobre, frappant de plein fouet le premier marché mondial du secteur, une nouvelle mesure choc assortie d’exemptions et encore sujette à interprétation.
L’entrée en vigueur fixée dans seulement cinq jours laisse très peu de temps à cette industrie pour s’adapter après avoir été exonéré de droits de douane pendant plus de 30 ans.
Il n’y aura « pas de droits de douane » sur ces produits pour les entreprises qui construisent des sites de production aux États-Unis, a précisé le président Trump.
Quels sont les produits concernés?
Le président Trump a cité les médicaments « de marque ou brevetés » importés de l’étranger, ce qui semble écarter de facto les médicaments génériques, qui remplacent les médicaments dont le brevet est arrivé à expiration et dont le prix reste très inférieur à celui des originaux.
Cette exemption devrait, selon Neil Shearing, économiste de Capital Economics, avoir un « impact limité » sur le montant total des droits de douane aux États-Unis dans la mesure où ils ne représentent qu’ »environ 10% des dépenses en valeur » de la consommation de médicaments aux États-Unis, bien qu’ils comptent pour 90% des volumes.
« La plupart des grands producteurs pharmaceutiques fabriquent déjà leurs médicaments destinés au marché américain aux États-Unis », souligne par ailleurs Kathleen Brooks, experte de marchés de XTB, même si « plusieurs médicaments anticancéreux sont également produits à travers l’Europe et, en particulier, en Suisse ».
En 2024, les États-Unis ont importé pour près de 252 milliards de dollars de médicaments et produits pharmaceutiques, faisant de cette catégorie la deuxième en valeur après celle des véhicules à moteur, selon le département américain du Commerce.
Quels pays pensent être épargnés?
Un accord commercial conclu cet été entre l’Union Européenne et les États-Unis protège les médicaments européens contre toute nouvelle surtaxe douanière, a assuré un porte-parole de la Commission européenne, Olof Gill.
Selon cet accord, la plupart des exportations européennes, y compris les médicaments, ne peuvent être taxées au-delà de 15%, garantissant, selon lui, « qu’aucun droit supplémentaire ne sera appliqué ».
Pour la fédération européenne des industries pharmaceutiques (Efpia), ces droits de douane « créeraient la pire des situations » en augmentant les coûts, en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en empêchant l’accès aux traitements vitaux.
Elle appelle l’UE et les États-Unis à « poursuivre les discussions ».
« Des discussions urgentes sont désormais nécessaires pour éviter toute taxation des médicaments », a abondé l’IPHA, l’un des organismes qui représente le secteur pharmaceutique en Irlande, acteur majeur des exportations pharmaceutiques européennes.
En Allemagne, la fédération du secteur (VCI) se dit « très préoccupée » par ce « nouvel affront » et juge que l’accord de 15% doit s’appliquer aux médicaments.
Le gouvernement britannique poursuit « un dialogue actif avec les États-Unis », selon un porte-parole.
En Asie, « Singapour, qui se concentre sur des médicaments brevetés à forte valeur ajoutée, est exposé au risque le plus élevé », estime Louise Loo, responsable de l’économie asiatique d’Oxford Economics.
Que font les laboratoires?
Pour se préparer à la politique protectionniste américaine, les grands groupes pharmaceutiques ont annoncé pour environ 300 millions d’euros d’investissements aux États-Unis au cours des derniers mois.
« Bien que de nombreuses entreprises pharmaceutiques se soient engagées à construire des sites aux États-Unis, les travaux pourraient ne pas avoir encore démarré, ces installations étant complexes à mettre en place. Ainsi, cette taxe pourrait avoir un impact important sur le secteur », observe Kathleen Brooks, experte de marchés chez XTB.
Or, l’exemption ne vaut que « si la construction a commencé », selon M. Trump, qui avait même menacé début juillet, d’imposer des surtaxes de 200% si la production produits pharmaceutiques n’était pas rapidement rapatriée sur le sol américain.
« Des travaux sont en cours et nous prévoyons d’annoncer cinq nouveaux sites en construction d’ici la fin de l’année », a réagi le suisse Novartis, qui avait annoncé 23 milliards de dollars d’investissements aux États-Unis sur cinq ans.
L’allemand Bayer dit prudemment « évaluer la situation », le britannique GSK indique continuer « à dialoguer de manière constructive avec l’administration américaine ».