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In Ivory Coast, an infamous traffic in clitorises of circumcised women

September 17, 2024

When he was a fetish priest, convinced that it would bring him "power", the Ivorian Moussa Diallo (*) regularly coated himself with an ointment made from the clitoral glans of a circumcised woman reduced to powder. « J’ai mis ca sur mon corps et mon visage pendant trois ans » tous les trois mois environ, « j’avais trop envie d’etre un grand chef », confie le quinquagenaire a l’AFP. C’etait il y a une dizaine d’annees, quand on le consultait comme sorcier et guerisseur autour de Touba dans le nord-ouest du pays.

« Tres prise pour des pratiques mystiques »

Ce cas n’est pas unique. Dans plusieurs regions de Cote d’Ivoire, « cet organe est utilise pour faire des philtres d’amour, avoir de l’argent ou acceder a de hautes fonctions politiques », rapporte Labe Gneble, directeur de l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (Onef). Sur le marche clandestin, son prix peut depasser le salaire minimum (75.000 francs CFA, 114 euros).

A Touba « on entend que c’est tres prise pour des pratiques mystiques », confirme le lieutenant de police N’Guessan Yosso.

Au terme d’entretiens menes aupres d’anciens feticheurs et exciseuses, chercheurs, ONG et travailleurs sociaux, l’AFP a pu etablir l’existence d’un trafic de glands de Clitoris de femmes excisees transformes en poudre et vendus pour les pouvoirs qu’on leur prete.

The origins of this illegal trade are obscure and its scale difficult to estimate. But local actors are convinced that it constitutes one of the obstacles to the fight against excision, banned since 1998 in Ivory Coast.

L’excision, une violation des droits fondamentaux selon l’Unicef

Around Touba, at the time when he was a fetish priest, a figure sometimes considered a traditional doctor, Mr. Diallo was often approached by circumcisers wishing to be protected from evil spells.

This genital mutilation, most often practiced between childhood and adolescence, can be considered by families as a rite of passage to adulthood or a means of repressing a girl's sexuality, explains UNICEF.

Perpetuee depuis des siecles par differentes religions en Afrique de l’Ouest, elle constitue une violation des droits fondamentaux selon l’Unicef. En plus de la douleur physique et psychologique, ses consequences sont graves voire mortelles : sterilite, complications en couches, infections, saignements…

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Unbelievable « poudre noire » vendue tres cher

In the middle of the forest or in a house, Mr. Diallo accompanied the circumcisers to a sacred place for the occasion of one or several dozen excisions. Close to these women, he could thus obtain the famous powder.

« Quand elles coupent le clitoris », les exciseuses « le font d’abord secher pendant un mois ou deux » puis elles le « pilent avec des cailloux », decrit-il. Le resultat est une « poudre noire » qu’elles melangent parfois a « des feuilles, des racines, des ecorces » ou « du beurre de karite ».

Elles peuvent la vendre environ « 100.000 francs CFA (152 euros) si la fille est vierge », « 65.000 francs CFA (99 euros) si elle a deja eu des enfants » ou la troquer contre des services, poursuit M. Diallo. Selon l’homme, qui milite desormais contre l’excision, le trafic perdure.

Dans le village ou il habite aujourd’hui, il dit s’etre recemment procure une poudre aupres d’une exciseuse. Un melange de chair humaine et de plantes, dit-il, que l’AFP a pu observer sans pouvoir le faire analyser. Le produit est impossible a obtenir sans transaction financiere.

Le commerce du gland du clitoris est « un trafic d’organes »

Selon les villages, le clitoris des fillettes et jeunes filles est habituellement enterre, jete dans une riviere ou donne aux parents, expliquent d’anciennes exciseuses a l’AFP. Mais l’une d’elle, interrogee dans l’ouest du pays sous couvert de l’anonymat, confirme l’utilisation occulte de clitoris arraches aux femmes.

« Des gens se faisaient passer pour les parents des filles et repartaient avec le clitoris », se souvient-elle. Parmi ces imposteurs, des feticheurs qui utilisaient l’organe lors d’« incantations » et le vendaient ensuite, affirme-t-elle. Une autre accuse des consoeurs d’avoir ete complices. Shes « donnaient ca a des gens qui faisaient un mauvais travail » a des fins mystiques.

Mutilee lorsqu’elle etait enfant, Bintou Fofana (*), trentenaire, raconte comment sa mere, au courant de ce commerce, lui a explique avoir tenu a recuperer la chair retiree. Au regard du droit ivoirien, le commerce du gland du clitoris est « un trafic d’organes » et un « recel » punissable, comme l’excision, de plusieurs annees de prison et d’amendes, souligne l’avocate Me Marie Laurence Didier Zeze.

The police prefecture based in Odienne, which covers five regions in northwestern Ivory Coast, says it has never prosecuted anyone for such trafficking. « Les gens ne donnent pas d’informations sur les choses sacrees », deplore le lieutenant N’Guessan Yosso.

According to residents interviewed in Touba, circumcisers, considered prisoners of evil spirits, are feared and respected.

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Des clitoris reduits en poudre comme aphrodisiaques

« Le clitoris ne peut pas donner de pouvoirs », balaye la gynecologue Jacqueline Chanine basee a Abidjan, « c’est farfelu ». However, the practice is found in several regions, researchers testify.

The socio-anthropologist of health Dieudonne Kouadio was able to see this during work on excision carried out 150 km north of Touba, in the town of Odienne. « On m’a presente une boite qui contenait justement l’organe ablate, seche, sous forme de poudre un peu noiratre », raconte ce chercheur a l’universite de Bouake.

Il a fait part de cette decouverte dans une etude realisee avec la fondation Djigui, acteur important de la lutte contre les mutilations genitales feminines en Cote d’Ivoire. Le ministere de la Femme, qui a valide les conclusions de cette etude parue en 2021, n’a pas donne suite aux demandes de reaction de l’AFP.

Dans le district du Denguele, dont fait partie Odienne, des agriculteurs « achetent des clitoris. Ils melangent la poudre avec les semences pour ameliorer la production de leurs champs », detaille Nouho Konate membre de la fondation Djigui qui recolte des informations depuis 16 ans sur l’excision.

Pendant les actions de sensibilisation qu’il organise, M. Konate revele l’existence de ce trafic aux parents de jeunes filles, qui sont « abattus ».

Further south, in the centre-west, women use powdered clitorises as aphrodisiacs, hoping for example to prevent their husbands from being unfaithful, explains criminologist Safie Roseline N'da, author with two sociology researchers of a scientific article on the fight against excision published in 2023 which mentions this traffic.

Les trois universitaires rapportent egalement l’utilisation du sang de femmes excisees pour adorer des dieux. Ce n’est pas la seule pratique occulte liee a l’utilisation d’une partie du corps dans ce pays, selon Me Didier Zeze.

« Le mystique y a une dimension centrale dans la vie quotidienne, il touche toutes les spheres de la vie sociale, professionnelle, amoureuse, familiale », note l’anthropologue canadien notamment specialiste des pratiques occultes en Cote d’Ivoire Boris Koenig, sans que cela ne soit generalement « illicite » ajoute-t-il.

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Une Ivoirienne sur cinq affirme encore avoir subi des mutilations genitales

Ce commerce est « une des raisons de la survivance des mutilations genitales feminines » en Cote d’Ivoire, denonce la fondation Djigui comme l’Onef, ONG de lutte pour l’amelioration des conditions de vie des femmes depuis les annees 1990.

Le taux de prevalence de l’excision a baisse dans le pays depuis son interdiction et reste en deca de la moyenne ouest-africaine (28%), selon l’OCDE (Organisation de cooperation et de developpement economiques). Mais une Ivoirienne sur cinq affirme encore avoir subi des mutilations genitales et dans certaines regions du nord, le taux peut depasser 50%.

Dans les lieux ou etait appele l’ancien feticheur Diallo, jusqu’a « 30 femmes » etaient excisees en une journee, assure-t-il. La periode de janvier a mars est privilegiee, quand l’harmattan chaud et sec permet une meilleure cicatrisation, precise-t-il. A Touba, les agents du seul centre social de la region constatent que l’excision se poursuit clandestinement et reste difficile a evaluer.

Elle se cache derriere des fetes traditionnelles sans lien apparent, disent-ils, evoquant la venue d’exciseuses de la Guinee voisine, situee a quelques kilometres et ou le taux d’excision depasse les 90%.

(*) Names have been changed.

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