Plutot deguster un milkshake a la fraise ou courir… ? « La plupart d’entre nous ont probablement deja decide une fois au moins de renoncer a faire du sport au profit d’une des nombreuses tentations alternatives de la vie quotidienne », postulent les chercheurs de l’ETH Zurich (Suisse). L’equipe de Denis Burdakov s’est interrogee sur ce qui nous faisait choisir entre le sport et la nourriture. Ils ont soumis des souris a ce choix et revele le role crucial d’une hormone : l’orexine. Leurs resultats ont ete publies dans la revue Nature Neuroscience.
La dopamine ne suffit pas
Selon l’Organisation mondiale de la Sante (OMS), plus de 3 adultes sur 10 ne pratiquent pas assez de sport. « Malgre ces statistiques, de nombreuses personnes parviennent a resister aux tentations constantes et a faire suffisamment d’exercice« , remarque Denis Burdakov, professeur de neurosciences. « Nous avons voulu savoir ce qui, dans notre cerveau, nous aide a prendre ces decisions. » Souvent, c’est la dopamine qui joue un role dans l’evaluation des options et la motivation. Mais faire du sport et manger un savoureux dessert sont toutes deux des activites qui secretent de la dopamine. Alors comment notre cerveau tranche-t-il dans cette situation ?
Pour le savoir, les chercheurs ont propose huit choix a des souris, parmi lesquels : une roue pour courir et du milkshake a la fraise, particulierement apprecie des rongeurs, comme des humains, car riche en sucres et en matieres grasses. L’objectif de cette experience ? Tester l’influence de l’orexine, une hormone aux effets moins connus que la dopamine, sur le choix des souris.
L’orexine, un neurotransmetteur meconnu
L’activite cerebrale est regulee par des centaines de substances, vectrices de divers messages. La serotonine et la dopamine notamment. Moins populaire, l’orexine a ete decouverte il y a moins de 30 ans et attise la curiosite des chercheurs. Ses fonctions, encore mal connues, se clarifient peu a peu. On sait aujourd’hui qu’elle est liee a la regulation de l’alimentation, en particulier dans la stimulation de l’appetit. Mais son role ne s’arrete surement pas la, d’apres les scientifiques.
« Sans orexine, les souris ont privilegie le milkshake »
Les souris ont ete separees en 2 groupes. Pour l’un d’eux, le systeme d’orexine a ete bloque, soit par un traitement, soit par une modification genetique.
Ensuite, les mammiferes ont evolue dans un environnement avec huit possibilites d’activites differentes. Resultat : les souris dont le systeme d’orexine etait intact ont largement privilegie la roue pour courir au milkshake. Elles ont passe 2 fois plus de temps a faire du sport que leurs homologues depourvues d’orexine, et 2 fois moins de temps a boire du milkshake. « Sans orexine, la decision etait fortement en faveur du milkshake, et les souris ont abandonne l’exercice pour se nourrir« , observe l’equipe de Denis Burdakov.
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Toutefois, quand les choix etaient restreints a deux options, manger ou courir, le comportement des deux groupes etait etonnamment similaire. Les chercheurs analysent : « Cela signifie que le role principal du systeme d’orexine n’est pas de controler la quantite de mouvement ou de nourriture des souris« , explique Denis Burdakov. « Mais d’apres nos resultats, elle est essentielle pour prendre la decision entre l’une et l’autre, lorsque les deux options sont disponibles ».
Les chercheurs essaient a present de comprendre comment les neurones producteurs d’orexine interagissent avec le reste du cerveau lors de la prise de decision. « Si nous elucidons comment le cerveau arbitre entre la consommation alimentaire et l’activite physique, nous pourrons elaborer des strategies plus efficaces pour lutter contre l’epidemie mondiale d’obesite et les troubles metaboliques qui y sont associes« , conclut Daria Peleg-Raibstein, co-autrice de l’etude.
Leurs travaux pourraient mener a de nouvelles recherches sur l’etre humain afin de confirmer ces premiers resultats. En effet, certaines personnes ont un systeme d’orexine restreint. D’une part, pour des raisons genetiques : les narcoleptiques qui souffrent d’un trouble du sommeil.
Et d’autre part, les patients qui souffrent d’insomnies recoivent parfois un traitement qui bloque l’orexine. Les chercheurs esperent que ce nouvel angle sera etudie par d’autres scientifiques, specialises dans la recherche clinique sur l’humain, et continuent, de leur cote, a etudier l’orexine du point de vue « fondamental » pour mieux comprendre ses effets.