La complexité du langage humain nous démarque significativement de nos cousins primates. A l’origine de cette différence, un simple et unique gène pourrait avoir joué un rôle essentiel, concluent de nouveaux travaux publiés dans la revue Nature Communications.
Les souris parlent différemment avec la variante humaine
“ Cette découverte nous a beaucoup surpris« , se rappelle la chercheuse Yoko Tajima, première autrice de la publication. En remplaçant le gène NOVA1 de souris par sa version humaine, les scientifiques s’attendaient à provoquer des dysfonctions motrices sévères. Produite dans les neurones, la protéine NOVA1 avait en effet été découverte chez des malades atteints de syndrome d’opsoclonie-myoclonie, trouble neurologique caractérisé par des mouvements oculaires et musculaires brefs et involontaires. Mais les souris avec le variant humain de NOVA1 ne montraient aucun trouble moteur. En revanche, elles couinaient différemment ! « Les appels des souris nouveau-nés à leur mère et des souris mâles adultes aux souris femelles avaient changé en tonalité et en complexité« , détaille Yoko Tajima.
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A première vue, la version humaine de NOVA1 ne semble pourtant pas bien différente de celle des nombreux autres animaux, mammifères comme oiseaux, qui le possèdent également. Pourtant, un simple acide aminé d’isoleucine y est substitué par une valine vers le milieu de sa séquence, à la position 197. Cette petite modification, unique à l’humain, suffit cependant à modifier les molécules auxquelles la protéine NOVA1 est supposée se lier. Ces molécules, ce sont des ARN, ces dérivés de l’ADN qui servent d’intermédiaire pour la production des protéines.
NOVA1 se lie à des molécules impliquées dans la vocalisation
“ NOVA1 se lie directement aux ARN dans le cerveau pour en réguler l’activité« , à la hausse ou à la baisse, expliquent les chercheurs. Grâce à une nouvelle méthode spécialement développée pour repérer les ARN liés à NOVA1, les scientifiques observent que la NOVA1 humaine se liait toujours de la même façon que la NOVA1 de souris aux ARN liés aux fonctions motrices, mais pas à ceux liés au langage ! » Nous avons été complètement surpris de constater que la version humaine affectait les sites de liaison dans les neurones du mésencéphale (région centrale du cerveau, ndlr) qui codent pour la vocalisation« , explique Robert Darnell, qui a dirigé ces travaux.
Ces neurones dans le mésencéphale sont notamment impliqués dans la respiration, la coordination, le délai et l’amplitude de la vocalisation. Mais NOVA1 est aussi présente dans le cortex des souris, une région du cerveau plus récente dans l’évolution et qui influe sur la hauteur de la voix et la modulation et durée de sa fréquence, ce qui pourrait donc être une autre façon dont la protéine influerait sur le langage parlé. « Les mécanismes par lesquels NOVA1 influe sur la vocalisation, que ce soit d’un point de vue moteur ou neuronal, sont un point très important que nous souhaitons aborder ensuite », commente Yoko Tajima.
Les lignées humaines anciennes les plus proches ne possédaient pas NOVA1
Soupçonnant un rôle clé de NOVA1 dans l’émergence du langage complexe humain, les scientifiques recherchent sa version humaine dans des génomes d’anciennes lignées apparentées. Chez les huit génomes d’hommes de Néandertal et celui de Denisova examinés, tous possédaient la NOVA1 des animaux non humains. L’émergence de notre version de la NOVA1 s’est donc produite après la scission entre Homo sapiens et ces lignées humaines aujourd’hui éteintes, il y a environ 200.000 ans.
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“ Nos données montrent qu’une population ancestrale d’humains modernes en Afrique a évolué vers la variante humaine, qui est ensuite devenue dominante, peut-être parce qu’elle conférait des avantages liés à la communication vocale« , suggère Robert Darnell. Bien plus tard, il y a environ 50.000 ans, cette population a ensuite quitté l’Afrique et s’est répandue dans le monde entier, et le précieux gène avec.