Près de 80% de la population française a été confrontée à au moins un événement climatique extrême dans les deux ans qui ont précédé, rapporte pour la première fois le Baromètre Santé 2024, grande enquête bisannuelle menée par l’agence Santé Publique France. Cette nouvelle préoccupation de santé impacte directement la santé physique et mentale des Français, en particulier pour les femmes, les populations défavorisées et certaines régions comme Auvergne-Rhône-Alpes.
“ La santé environnementale n’est plus une inquiétude lointaine et émerge comme une préoccupation quotidienne« , appuie Yann Le Strat, Directeur scientifique de Santé publique France, en conférence de presse. Sur les presque 35.000 adultes de 18 à 79 ans interrogés en France métropolitaine et territoire outremer (sauf Mayotte, qui a ses enquêtes spécifiques), 78,8% ont déclaré avoir été confrontés à au moins un événement climatique extrême sur les deux dernières années. Les canicules étaient largement les plus mentionnées (70%), suivies des tempêtes (27%), des feux de forêt (8%) et des inondations (6%). La majorité (54%) ont été confrontés à deux événements ou plus, et 25% à un seul.
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Le changement climatique cause souffrance physique et psychologique
La souffrance causée par l’exposition à ces événements climatiques extrêmes est indéniable. 37% des personnes qui y ont été confrontées rapportent en avoir souffert physiquement, 22% psychologiquement, et 17% les deux. Les personnes âgées de plus de 50 ans et les femmes étaient particulièrement concernées. Les inégalités sociales pèsent beaucoup, avec 46% de souffrance physique rapportée dans la population la plus financièrement défavorisée, contre 30% chez les plus aisés.
Parmi les facteurs en jeu, le logement en est un majeur, en particulier dans le cas des canicules, l’événement extrême auquel le plus de Français sont confrontés. « En Europe les gens passent 90% de leur temps à l’intérieur des bâtiments« , pointe Basile Chaix, directeur de recherche en épidémiologie et santé publique à l’Inserm, à l’occasion de la Journée Climat et Santé, le 10 décembre 2025. « En France, 10,5 millions de bâtiments résidentiels se situent au-delà de l’inconfort thermique, c’est 50% des logements résidentiels, et 35% sont des bouilloires thermiques. »
En conséquence, le logement, loin d’être un refuge, devient lors des vagues de chaleur un lieu particulièrement inconfortable, voire dangereux. « Sans surprise, la majorité des décès liés à la chaleur surviennent dans le logement« , ajoute le chercheur. Sans aller jusqu’au décès, la chaleur perturbe également la santé mentale et physique en causant insomnies, troubles cognitifs ou encore sédentarité.
Les personnes vivant en région Auvergne-Rhône-Alpes étaient les plus vulnérables, avec 51% de personnes déclarant avoir souffert physiquement ou psychologiquement d’un événement climatique extrême. Venaient juste derrière les régions Occitanie (49%), PACA (48%), Bourgogne-Franche-Comté (45%) et Île-de-France (45%). Les moins concernées étaient les régions Bretagne, Guadeloupe et Martinique (autour de 27%) et la Réunion (25%).
Des projections climatiques inquiétantes
Le retentissement sur la santé mentale concerne également l’inquiétude pour l’avenir, avec presque 74% des adultes interrogés qui s’attendent à être à nouveau confrontés à au moins un événement climatique extrême dans les deux prochaines années. Là encore, les inégalités pèsent. « Plus la situation financière perçue est défavorable, plus les personnes qui pensent être confrontées à un évènement climatique à l’avenir craignent des répercussions sur leur santé physique ou psychique« , précisent les chercheurs dans le rapport du Baromètre 2024.
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Les 26% des Français qui n’anticipent pas être exposés sont sans doute très optimistes au regard des projections réalisées par Météo-France. « Le réchauffement climatique poursuit sa route, à la sortie d’une année 2024 qui a établi un record planétaire de température, dont l’augmentation dépasse pour la première fois le seuil de 1,5°C« , explique Aurélien Ribes, chercheur à Météo-France et au CNRS, lors de la Journée Climat et Santé.
Les prévisions estiment l’augmentation des températures entre 2 et 2,7°C en 2050, et 3 à 4°C en 2100. Dans une France à 4°C, Paris aurait les températures de Montpellier, Montpellier de Séville, Lille de Bilbao et Lyon de Rome, illustre le chercheur. « Il faut s’attendre dès à présent à une augmentation très marquée en nombre, en intensité et en durée des évènements climatiques extrêmes« , souligne Santé Publique France dans le Baromètre 2024. « Les canicules seront notamment plus nombreuses, et plus intenses, avec des températures de 50 °C possibles dès 2050 en France hexagonale. Le risque de feux de forêt deviendra élevé dans toutes les régions, et le risque de submersion marine lors des tempêtes augmentera fortement“.
Agir sur le climat, c’est améliorer la santé
Dans ce contexte, la santé climatique devient un enjeu crucial, qui peut être perçu comme une opportunité positive, souligne l’épidémiologiste environnemental Rémi Slama, directeur de recherche à l’Inserm, lors de la Journée Climat et Santé. « Beaucoup d’actions d’atténuation du changement climatique peuvent entrainer des co-bénéfices sanitaires importants. » Sortir des énergies fossiles permettrait d’éviter des décès liés à la pollution, limiter l’empreinte carbone de l’alimentation améliorerait la qualité de notre régime alimentaire, et limiter les températures encouragerait plus à l’activité physique, et moins à la sédentarité, souligne le chercheur.