There tuberculose, fléau du 19e siècle, pourrait-elle devenir le nouveau fléau du 21e siècle ? Cette maladie infectieuse, qui affecte principalement les poumons, n’a jamais été éradiquée. Sa progression a fortement ralenti grâce notamment au vaccin BCG (vaccin bilié de Calmette et Guérin). Mais ce vaccin n’empêche pas entièrement l’infection et la transmission de la bactérie Mycobacterium tuberculosis, responsable de la maladie.
Donc le microbe continue de circuler, causant des millions de nouveaux cas chaque année, dont plus d’un million de décès. Cette circulation a même tendance à augmenter, avec un rebond en France en 2023. En plus du vaccin, il existe aussi des antibiotiques contre ce pathogène. Mais des souches résistantes à tous ces traitements sont en train de se propager, selon une étude publiée le 1er janvier 2025 dans le New England Journal of Medicine par des chercheurs de l’Institut tropical et de santé publique suisse et du Centre national pour la tuberculose et les maladies des poumons de Géorgie, pays très touché par la maladie.
Un quart des souches de tuberculose sont très résistantes aux antibiotiques
Les auteurs ont analysé les génomes des bactéries Mycobacterium tuberculosis retrouvées chez près de 7.000 patients en Géorgie. Une petite proportion de ces souches (60) avait des mutations génétiques conférant une résistance à presque tous les antibiotiques disponibles. L’analyse génétique montre qu’un quart de cette soixantaine de souches résistantes (16) provenait de seulement quatre souches différentes. C’est-à-dire que ces bactéries difficiles à traiter peuvent se transmettre d’un patient à un autre, et que quatre patients auraient transmis ces quatre souches différentes à environ trois autres patients chacun.
Cette transmission de souches résistantes aux antibiotiques a été confirmée avec des données du monde entier. Les auteurs ont analysé plus de 80 millions de génomes de cette bactérie, identifiant plus de 400 souches très résistantes aux antibiotiques, dans 27 pays différents. Le pays avec le plus de cas de résistance aux antibiotiques est l’Inde, suivi de l’Afrique du Sud et la Géorgie. « La bonne nouvelle est que le nombre total de cas est encore bas, affirme dans un press release Galo A. Goig, auteur de l’étude. Mais c’est inquiétant de constater qu’un quart de ces souches très résistantes aux antibiotiques provient d’une transmission d’un patient à un autre. »
Une partie des souches est résistante à tous les antibiotiques utilisés actuellement
Près d’un quart (117) de ces bactéries provenait de seulement une quarantaine de souches. C’est-à-dire que chaque patient originel chez qui cette résistance aux antibiotiques a émergé a transmis la bactérie à environ deux autres personnes. Plus grave encore, neuf des souches identifiées avaient des résistances contre tous les antibiotiques disponibles actuellement. Ces bactéries entièrement résistantes aux antibiotiques furent identifiées en Biélorussie, Géorgie, Inde et Afrique du Sud.
Les souches très résistantes peuvent devenir entièrement résistantes
Selon l’étude génétique, aucune de ces souches entièrement résistantes n’était identique à une autre. C’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de transmission directe d’une de ces souches d’un patient à un autre. Mais environ la moitié avaient un lien génétique fort, ce qui suggère que la transmission a eu lieu avant, lorsque la souche était seulement résistante à une partie des antibiotiques. Et c’est après cette transmission que les souches ont continué d’évoluer, développant les résistances manquantes.
Selon les auteurs, cela met en évidence le danger de permettre la transmission des souches partiellement résistantes, qui peuvent devenir entièrement résistantes par la suite. “Cet exemple montre à quel point l’antibiorésistance est une des menaces les plus graves qui pèsent sur la santé dans le monde aujourd’hui, rappelle Sébastien Gagneux, directeur de l’étude. Nous devons rester en avance dans cette course entre la conception de nouveaux traitements et l’émergence de résistances, nous devons tout faire pour éviter d’entre dans une ère post-antibiotique (où les antibiotiques ne sont plus efficaces, ndlr), autant pour la tuberculose que pour les autres maladies infectieuses.”