This article is taken from the monthly Sciences et Avenir n°936, dated February 2025.
Les odeurs du monde sont apportées par le flux d’air qui vient chatouiller les narines. Mais le lien entre odeurs et respiration va plus loin, comme l’a montré une expérience italienne où les chercheurs ont injecté des essences de menthe ou de citron dans le sang de volontaires. Quand ces derniers ont bloqué leur souffle, ils n’ont rien perçu. Mais dès qu’ils ont recommencé à respirer, ils se sont mis à sentir des effluves de menthe ou de citron, alors même qu’il n’y avait pas la moindre trace de ces odeurs dans l’air de la pièce !
Conclusion : pour que nous percevions consciemment des odeurs, il faut non seulement que des molécules odorantes se fixent sur les cils olfactifs qui tapissent le fond des cavités nasales (elles s’étaient ici échappées des vaisseaux sanguins très fins qui irriguent la muqueuse), mais aussi que ces cils soient agités par un flux d’air. Or avec les odeurs, la respiration offre un autre outil antistress efficace.
D’abord, parce qu’elles ont une capacité incomparable à faire revenir des événements du passé en mémoire – on pense bien sûr à la célèbre madeleine de la littérature. En 2011, l’équipe du chercheur japonais Matsunaga Masahiro a montré que respirer une odeur qui évoque un souvenir agréable améliore l’humeur et calme l’anxiété.
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La lavande aurait un pouvoir anxiolytique
Le second mode d’action des odeurs est qu’elles nous poussent inconsciemment à ralentir et amplifier la respiration – autrement dit à pratiquer la technique de la respiration lente, très apaisante -, comme l’a montré un autre chercheur japonais, Yuri Masaoka. À condition qu’elles soient agréables ! Car respirer une mauvaise odeur fait, au contraire, accélérer le rythme respiratoire. Dans son étude, Yuri Masaoka l’a testé avec l’acide isovalérique, qui évoque un mélange d’aliment pourri et de transpiration…
Qu’en est-il des huiles essentielles, qui sont justement des concentrés de composés odorants ? Quelques études suggèrent que certaines, notamment celle de lavande, ont un pouvoir anxiolytique. Dans ces expériences, leur inhalation a fait baisser le stress dans tout une série de situations, allant de la séance de mots croisés en temps limité – proposée à des étudiants pour mimer l’anxiété de performance lors des examens – jusqu’à l’attente d’une intervention chirurgicale ou du passage chez le dentiste. Toutefois, les méta-analyses sur le sujet ont des conclusions prudentes et soulignent le besoin de recherches complémentaires pour vraiment valider ce pouvoir.
Par Guillaume Jacquemont