Mieux vaut commencer sa vie in utero et ses sept premiers mois de vie sous des températures pas trop élevées. Une récente étude publiée dans Environmental Health vient en effet de démontrer pour la première fois que l’exposition à des températures moyennes élevées pendant la grossesse mais aussi durant les sept premiers mois de vie pourrait avoir des conséquences négatives sur le neurodéveloppement de l’enfant, en particulier sur l’apprentissage linguistique.
Si on connaissait déjà le lien entre la chaleur et le risque accru de mortinatalité, de prématurité et de petit poids de naissance, aucune étude ne s’était jusqu’à présent intéressée aux effets de la chaleur sur le neurodéveloppement de l’enfant. C’est toute l’originalité de ce travail pionnier mené par l’équipe dirigée par Johanna Lepeule, directrice de recherche à l’Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), conduit en association avec celle d’Itai Kloog, professeur à l’université Ben-Gourion (Israël).
Cibler les messages de prévention
Les épidémiologistes ont utilisé ici les données issues de la cohorte nationale Elfe, soit environ 12.000 femmes, et ont retrouvé un lien entre les expositions thermiques de ces futures mamans pendant les 9 mois de grossesse avec le score de production de vocabulaire de leurs enfants à l’âge de 2 ans. Or, mauvaise nouvelle, ce score s’abaisse quand la température s’élève. « Pendant la période prénatale, soit entre les 14 et 19 semaines de grossesse, nos travaux ont retrouvé une association entre une exposition à une température moyenne supérieure à 15,6° C et une perte de 3,2% des capacités langagières, précise Johanna Lepeule à Sciences et Avenir. En post natal, pour une exposition à une température moyenne supérieure à 21,9° C pendant les 7 premiers mois de vie, la perte est de 15%. Mais attention, cela ne signifie pas forcément que cette perte va se maintenir dans le temps, nous devons poursuivre nos travaux pour le confirmer ou pas ».
Dans l’affirmative, cela permettrait de mieux cibler les messages de prévention au moment des deux fenêtres de vulnérabilité ici identifiées, soit « le début du second trimestre de grossesse, de la 14 à la 19e semaine de grossesse, et aussi durant les sept premiers mois de vie des enfants », détaille Johanna Lepeule. Maintenant, les chercheurs doivent aussi comprendre les mécanismes biologiques en jeu dans l’altération du neurodéveloppement. « On sait déjà que les systèmes de thermorégulation des nouveaux-nés sont immatures pendant plusieurs mois après leur naissance et par conséquent peu efficaces, explique la chercheuse, mais ce n’est peut-être pas la seule explication, une perturbation des fonctions placentaires est peut-être aussi en cause tout comme la prolifération et la différenciation des neurones, comme cela a été déjà démontré dans des études animales ».
D’autres travaux à venir
C’est la raison pour laquelle d’autres travaux seront bientôt menés avec des cohortes mères-enfants différentes : EDEN (Nancy Poitiers), PELAGIE (Bretagne), SEPAGES (Grenoble). Des analyses de prélèvements placentaires sont prévues, afin de les comparer entre eux en fonction des valeurs de températures auxquelles les femmes auront été exposées pendant leur grossesse. A suivre donc alors que les vagues de chaleur se répètent et s’intensifient partout sur la planète. Comme en Asie en avril dernier où les femmes enceintes ont dû faire face à des températures supérieures à 43°C pendant plusieurs jours.