Faut-il laisser l’ISS se salir pour améliorer la santé des astronautes ?

février 27, 2025

Salir la station spatiale internationale (ISS) pour y vivre en meilleure santé ? Une drôle d’idée proposée par une équipe de chercheurs américains. Leur étude, publiée dans Cell Press, montre que l’ISS présente une diversité microbienne nettement inférieure à celle des environnements terrestres. Selon eux, le milieu clôt et aseptisé pourrait être à l’origine d’un bon nombre de problèmes de santé rencontrés par les astronautes durant leurs voyages dans l’espace, que ce soient des dysfonctionnements immunitaires, des éruptions cutanées ou d’autres problèmes inflammatoires.

Lire aussiLes deux astronautes américains coincés dans l’ISS pourraient rentrer un peu plus tôt que prévu

Une répartition spatiale des microbes

Pour étudier l’environnement microbien de l’ISS, les chercheurs ont collaboré avec les astronautes, qui ont prélevé 803 échantillons de surfaces différentes, soit environ 100 fois plus d’échantillons que lors des études précédentes. Une fois les échantillons revenus sur Terre, les espèces bactériennes et les substances chimiques présentes dans l’ISS ont pu être analysées.

Les chercheurs ont créé des cartes tridimensionnelles illustrant l’emplacement de chaque échantillon sur l’ISS. Ils constatent que leur répartition suit la disposition des différents modules (pièces) de la station. Par exemple, les zones de restauration et de préparation des aliments contiennent plus de microbes associés à la nourriture, tandis que les toilettes spatiales comportent plus de microbes et métabolites associés à l’urine et aux matières fécales.

Cela semble logique. La répartition des microbes liés aux actions humaines n’est pas si différente sur Terre, mais ces derniers sont plus nombreux et surtout, plus diversifiés !

La peau humaine est la principale source de microbes dans les échantillons provenant de l’ISS, suivie de la bouche et du nez. Or sur Terre, l’environnement comporte une multitude de micro-organismes en liberté dans le sol, dans l’eau ou dans l’air. Dans l’espace, les astronautes ont tendance à baigner dans leurs propres microbes, et développent des maladies.

Lire aussiDes scaphandres en hydrogel pour protéger les astronautes des radiations cosmiques

Salir pour mieux guérir

Pour venir à bout de ces microbes, les astronautes utilisent des produits de nettoyage en grande quantité. Les traces de ces produits chimiques étaient d’ailleurs omniprésentes dans les échantillons ramenés de l’ISS.  Selon les chercheurs, ces échantillons sont comparables à ceux des hôpitaux. Dans ces milieux stériles, les microbes humains pourraient développer plus facilement une résistance aux produits.

« Il y a une grande différence entre l’exposition à un sol sain en jardinant et le fait de croupir dans sa propre crasse, ce qui est un peu ce qui se passe si nous sommes dans un environnement strictement clos sans apport continu de ces sources saines de microbes provenant de l’extérieur », déclare Rob Knight, chercheur à l’Université de San Diego et co-auteur de l’étude, dans un communiqué.

Selon les chercheurs, l’intégration intentionnelle de ces microbes et des substrats dans lesquels ils vivent dans l’ISS pourrait améliorer la santé des astronautes sans sacrifier l’hygiène. Les bénéfices pourraient être les même que ceux apportés par une bonne séance de jardinage sur le système immunitaire ! « Si nous voulons vraiment que la vie se développe en dehors de la Terre, nous devons commencer à réfléchir aux autres compagnons bénéfiques que nous devrions envoyer avec ces astronautes pour les aider à développer des écosystèmes durables », explique Rodolfo Salido, co-auteur de l’étude.

En affinant leurs analyses, les chercheurs espèrent trouver les microbes potentiellement pathogènes dans l’ISS, et ainsi contribuer à améliorer la santé des personnes qui vivent et travaillent dans des environnements stériles similaires sur Terre.

fr_FRFrench