Des investigations aux enjeux historiques qui pourraient deboucher sur un non-lieu: l’enquete portant sur la gestion de l’epidemie de Covid-19 par le gouvernement a ete cloturee par la Cour de justice de la Republique (CJR), sans ministre mis en examen.
L’ex-Premier ministre Edouard Philippe, l’ancienne ministre de la Sante Agnes Buzyn, ainsi que son successeur Olivier Veran sont places sous le statut plus favorable de temoin assiste, a l’issue de cette information judiciaire ouverte en juillet 2020.
L’absence de mise en examen ouvre la voie a un probable non-lieu.
« Un avis de fin d’information a ete delivre le 28 novembre », a indique lundi a l’AFP Remy Heitz, procureur general pres la Cour de cassation, qui exerce les fonctions du ministere public pres la CJR et qui confirmait une information de Franceinfo. « Par ailleurs, aucune personne n’est a ce jour mise en examen », a ajoute M. Heitz.
Contactes lundi matin, les avocats des anciens ministres n’ont pas repondu dans l’immediat a l’AFP.
Les investigations ont ete menees pour mise en danger de la vie d’autrui et abstention volontaire de combattre un sinistre.
Elles decoulaient de plusieurs plaintes de medecins ou d’associations denoncant, des le debut du confinement en mars 2020 en France, le manque d’equipements de protection pour les soignants et la population ou encore les errements sur la necessite ou non de porter des masques.
– Une mise en examen annulee –
Dans cette enquete, seule Agnes Buzyn, ministre de la Sante entre mai 2017 et fevrier 2020, avait ete, un temps, mise en examen pour mise en danger de la vie d’autrui. Mais elle en a obtenu l’annulation, en janvier 2023, par la Cour de cassation.
Mme Buzyn, critiquee quand elle a quitte ses fonctions au debut de la crise sanitaire pour devenir candidate a la mairie de Paris, s’est toujours defendue de ne pas avoir agi lorsque l’epidemie est apparue en Chine et s’est propagee en Europe.
Apres l’annulation de sa mise en examen, elle avait estime que l’existence d’une enquete penale sur la gestion gouvernementale du Covid-19 « rend(ait) l’emergence de la verite plus difficile ». « Plus personne n’a envie de parler vraiment », malgre « un besoin de retour d’experience », avait-elle deplore.
Maintenant que l’enquete est terminee, il revient au parquet general puis a la commission d’instruction de se prononcer sur la suite a y donner.
Quatre ans d’instruction ont permis de nombreuses auditions et perquisitions, jusqu’aux domiciles et bureaux d’Edouard Philippe, Agnes Buzyn et Olivier Veran, mais aussi chez le directeur general de la Sante, Jerome Salomon, et la directrice generale de Sante Publique France, Genevieve Chene.
Quatre ans qui ont etoffe un dossier de dizaines de milliers de pages.
« Le rendu de ces investigations permettra-t-il bien de mettre au jour l’organisation de l’Etat face aux crises sanitaires d’ampleur » et « peut-etre », en prevenir d’autres? Ou les magistrats vont-ils se contenter de livrer une « version synthetique » de leur travail de fond? s’interroge une source proche du dossier.
Quelle que soit l’option retenue, le Pole sante publique du tribunal judiciaire de Paris, qui enquete aussi sur la gestion du Covid en France, pourra se nourrir des elements recoltes par la CJR, offrant ainsi une « vision globale et croisee » de l’epidemie, note une autre source proche du dossier.
La CJR est la seule juridiction habilitee a poursuivre et juger les membres du gouvernement – Premiers ministres, ministres et secretaires d’Etat – pour les crimes et delits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Elle a connu une forte inflation des plaintes lors de l’epidemie de Covid-19.
Mais elle est souvent contestee, en particulier pour sa formation de jugement, composee de trois magistrats de la Cour de cassation, six deputes et six senateurs, dotes chacun d’une voix.
Par ailleurs, ces derniers mois, des sources ont regrette aupres de l’AFP plusieurs classements de plaintes qui auraient, a leurs yeux, necessite des investigations.