Terrifiant d’ignorance et de mechancete. Effarant de confusion quand tous les niveaux, politique sportive, politique generale et nationalisme, ideologie et finances s’en melent. Les amateurs de JO, en ce mois d’aout 2024, auront bien sur devine qu’on voulait evoquer ici l’infame controverse qui vient de (re)agiter le monde du sport, les reseaux sociaux debordant d’insanites, les reactionnaires Trump, Musk et J.K. Rowling n’etant pas en reste dans l’insulte.
« Hyperandrogenie »
La victime est la boxeuse algerienne Imane Khelif, qui sera en finale vendredi 9 aout, face a la Chinoise Yang Liu. Au coeur de la melee, un test de feminite. Effectue par la Federation internationale de boxe (IBF) il avait conduit a l’exclusion de l’athlete des Championnats du monde en 2023. Sauf que ladite Federation n’est pas reconnue par le Comite international olympique, pour qui Imane Khelif peut parfaitement concourir aux JO Paris 2024 dans la categorie femmes de -66kg.
Qui dit qu’une femme est une femme ? La question, que d’aucuns auraient pu croire du passe, est revenue au-devant de la scene. Pour ce qui est de l’ignorance ou de la volonte de ne pas faire savoir, l’IBF remporte la medaille d’or, n’ayant meme pas daigne preciser ses methodes d’examen et leurs resultats lors d’une conference de presse le 5 aout. Par peur de devoiler son incompetence voire sa hargne ?
De fait, ces dernieres annees, les controverses pointant les femmes athletes ont toujours tourne autour de la question d’une « hyperandrogenie ». Autrement dit, en francais courant, de la tres forte presence d’hormones sexuelles masculines (androgenes) dans le sang d’une femme. Et tout particulierement de l’hormone dont a peu pres tout le monde connait aujourd’hui le nom, a savoir la testosterone.
Consideree comme l’hormone masculine par excellence, elle equivaut a force accrue et competitivite desequilibree. Vision simpliste, si on ne regarde pas attentivement ce que disent les scientifiques. Ainsi que le rappelait Sciences et Avenir des 2019, « il n’existe pas de consensus scientifique sur ‘l’ampleur de l’avantage de performance derive de la testosterone endogene »’ selon le tribunal arbitral du sport (TAS), institution tranchant les litiges juridiques ayant un lien avec le sport.
Endogene signifie que l’hormone en question est produite par le corps meme de l’athlete et qu’il ne s’agit en aucune maniere d’un apport exogene d’un produit, par dopage par exemple. C’est ici le noeud gordien que d’aucuns tranchent avec force mepris pour les individus concernes dans l’exercice de leur sport. Car est posee la question de ce qui, biologiquement, determinerait exactement leur sexe, avec etalage de leur intimite. Et bafoue, dans le meme temps, ce qui fait le genre de l’athlete, autrement dit la vision de sa famille, et plus largement de la societe qui l’entoure, voire sa nation…
Pour ce qui est de la biologie et de ses subtilites, on se doute que le simplisme a la aussi tendance a prevaloir, la connaissance de tout un chacun se limitant generalement a penser qu’il n’existe que deux sexes, eux-memes facilement determines par les fameux chromosomes XX et XY. Sauf que les genes sur lesdits chromosomes peuvent avoir mute, le developpement au stade embryonnaire d’un individu avoir conduit a ce que certains recepteurs d’hormones soient inactives etc., conduisant a des situations multiples.
« Un scandale melant racisme, controle du corps des femmes et violation des droits humains »
Pour ne citer que deux exemples facilement comprehensibles, c’est ainsi que certaines personnes XX peuvent presenter des testicules et etre assimilees au genre masculin et certaines personnes XY peuvent presenter une fente vaginale et etre assimilees au genre feminin. Qui a envie de voir son intimite sexuelle ainsi exposee au grand jour ? C’est peu ou prou ce que n’ont cesse de faire les federations sportives pendant des annees, requerant que les athletes femmes s’exposent nues devant des medecins ou autres, jugeant alors de leur feminite.
Ces dernieres annees, pretendant faire plus scientifique, il avait ete impose aux femmes hyperandrogenes de subir un traitement pour faire baisser leur taux de testosterone. Ce qui a pu conduire a de veritables tragedies pour certaines athletes procedant meme a de la chirurgie, comme le rappelle notamment le remarquable documentaire « Des sportives trop puissantes » toujours visible sur Arte.
Centre sur le milieu de l’athletisme, ce film accuse « les instances dirigeantes [de se trouver] au coeur d’un scandale melant racisme, controle du corps des femmes et violation des droits humains ». Rien de moins. On notera en effet que les cas retentissants de controverses ont vise des sportives d’Afrique – celebre Caster Semenya, d’Afrique du Sud ; d’Inde – Dutee Chand, qui a saisi le TAS pour protester…, pour ne citer que ces deux exemples.
La finale de boxe le 9 aout
Pour ce qui est d’Imane Khelif aujourd’hui, on aura successivement pu voir sa competitrice italienne Angela Carini peter les plombs et fondre en larmes, abandonner le combat de huitiemes de finale le 1er aout et mettre en doute la feminite de son adversaire, avant de se retracter.
Puis la politique a pris de relais par la voix de Giorgia Meloni, premiere ministre italienne d’extreme-droite qui, s’instaurant experte en genetique, y a decele un combat inequitable. On aura entendu l’interview du pere de la boxeuse assurer que sa fille a toujours ete premiere en sport depuis toute petite, les photos d’elle fillette tout sourire circulant sur les reseaux, preuve de son genre… feminin.
Et le mardi 6 aout, les rues d’Alger se sont enflammees pour la championne apres sa victoire sur la thailandaise Janjaem Suwannapheng, fierte nationale oblige, en attendant la finale. Il faut etre solide pour resister, hors du ring et sans gants a ce punching ball mental a resonance internationale, face aux ignorants et haineux n’ayant comme reference que les frappes au-dessous de la ceinture.