L’insuffisance cardiaque touche un peu plus de 64 millions de personnes a travers le monde et entre 400.000 et 700.000 personnes en France (lire l’encadre ci-dessous). Malgre le nombre de personnes concernees et la haute mortalite qu’entraine cette maladie, il n’existe que peu d’options therapeutiques pour les patients. En effet, les choix se limitent generalement a un changement dans les habitudes de vie du patient, en passant par l’alimentation ou l’arret de la consommation de produits toxiques tels que l’alcool, une intervention, la pose d’un dispositif d’assistance ventriculaire (DAV), afin d’aider le coeur a pomper le sang, ou carrement une transplantation cardiaque. Ainsi, les options pour combattre la maladie et prolonger l’esperance de vie sont assez faibles : en moyenne, 81,3% des patients decedent dans l’annee suivant leur diagnostic.
Cependant, des chercheurs de l’Universite de sante de l’Utah (Etats-Unis) se sont penches sur les solutions pouvant etre apportees aux patients souffrant d’une insuffisance cardiaque. Ainsi, les scientifiques ont realise leurs experimentations sur des porcs, car leur coeur presente une physiologie assez proche de celui de l’humain. Les resultats de cette etude ont ete publies dans la revue Nature.
L’insuffisance cardiaque, qu’est-ce que c’est ?
L’insuffisance cardiaque est une maladie du coeur, rendant le muscle cardiaque incapable d’assurer de maniere normale la propulsion du sang dans le corps, c’est-a-dire que la capacite du coeur a pomper le sang pour repondre aux besoins de l’organisme se trouve largement diminuee. Selon l’Institut de Cardiologie de Montreal (Canada), les causes de l’insuffisance cardiaque peuvent etre multiples : des malformations du coeur aux maladies cardiaques en passant par la consommation excessive d’alcool, de nombreux facteurs peuvent jouer sur le developpement de cette maladie cardiaque. D’apres la Societe Francaise de Cardiologie, l’insuffisance cardiaque touche entre 1 et 2% de la population generale, avec une augmentation des risques en vieillissant.
Durant ses recherches, l’equipe de specialistes s’est rendu compte que, lorsqu’un individu souffre d’insuffisance cardiaque, une proteine des cellules du coeur venait a baisser en quantite. Constat fait egalement chez la souris et le porc. Cette proteine, c’est l’integrateur d’interconnexion cardiaque 1 (en anglais, « cardiac bridging integrator 1 »), abrege cBIN1. « Quand les taux de cBIN1 sont bas, nous savons que les patients ne vont pas aller bien », precise le docteur Robin Shaw, specialiste du coeur a l’Universite d’Utah (Etats-Unis) et co-auteur principal de l’etude. Alors il s’est pose la question suivante : qu’arrive-t-il aux patients a qui on reinjecte cette proteine dans leurs cellules cardiaques ?
« Nous n’avons jamais vu une telle efficacite »
Pour repondre a cette question, ce scientifique et son equipe ont decide d’utiliser des porcs en leur faisant subir, via des stimulations d’un pacemaker, des battements du coeur fortement eleves, aux alentours de 170 battements par minute, afin qu’ils developpent une insuffisance cardiaque. Ils ont ensuite pu injecter directement dans les vaisseaux sanguins des animaux la proteine cBIN1, contenue dans un virus adeno-associe (c’est-a-dire un petit virus contenant des genes et deja existant chez l’humain et le porc). La proteine, en passant par les vaisseaux sanguins de l’animal, via le virus, a alors pu directement aller dans les cellules cardiaques des porcs.
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Les porcs ayant subi cette therapie genique (lire l’encadre ci-dessous) sont restes sous les memes conditions de stress tout au long de l’etude, c’est-a-dire que durant six mois, leurs battements de coeur sont restes eleves par stimulation. Pourtant, d’apres les scientifiques, les quatre porcs ayant recu ses injections sont restes vivants jusqu’a la fin de l’etude, au lieu de mourir dans un delai d’un mois s’il ne l’avait pas recu. De plus, le traitement n’a pas seulement empeche leur situation d’empirer, mais il l’a en plus ameliore ! En effet, le coeur se serait meme mis a s’auto-reparer, c’est-a-dire que certaines de ses fonctions se sont ameliorees. « Nous n’avons jamais vu une telle efficacite dans toute l’histoire des recherches sur l’insuffisance cardiaque », se rejouit le docteur Robin Shaw.
Effectivement, plusieurs tentatives precedentes de traitements etudies pour combattre l’insuffisance cardiaque n’ont montre de signes d’amelioration des fonctionnalites du coeur n’allant que de 5 a 10%. Cependant, la therapie genique a base de cBIN1 a mis en evidence des signes d’amelioration des fonctions cardiaques pouvant aller jusqu’a 30%. Les fonctions du coeur se retablissent avec notamment une amelioration du pompage du sang, une diminution de la pression arterielle et parfois meme une reduction de la taille du coeur qui pouvait aller jusqu’a retrouver une allure presque semblable a celle d’un coeur sain. D’apres le docteur Shaw, « c’est le jour et la nuit », entre ces traitements et leurs resultats.
La therapie genique, qu’est-ce que c’est ?
La therapie genique est une strategie therapeutique visant a modifier les genes presents dans certaines cellules dans le but de guerir une maladie. Des therapies geniques sont deja utilisees, notamment pour lutter contre certaines maladies rares. Quant aux therapies geniques visant le coeur, elles cherchent a stimuler la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. De nombreuses recherches et etudes sont en cours afin de pouvoir en trouver une qui puisse etre efficace face a l’insuffisance cardiaque.
Une therapie genique testee sur l’humain des l’automne 2025
Ainsi, les scientifiques ont bon espoir que cette therapie genique puisse s’appliquer dans un futur plus ou moins proche aux humains. « Lorsque vous voyez de telles donnees sur des animaux larges a la physiologie proche de celle de l’humain, cela vous fait reflechir et vous vous dites que vous pouvez peut-etre guerir cette maladie », s’enthousiasme TingTing Hong, co-autrice de l’etude.
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Ainsi, l’equipe de chercheurs compte demander l’autorisation de tester cette therapie sur des humains, des l’automne 2025, aupres de la FDA (ou Food and Drug Administration), l’administration americaine chargee de la surveillance des produits alimentaires et medicamenteux. Cependant, cette therapie genique doit encore passer de nombreux tests et etudes toxicologiques pour assurer sa surete pour l’humain. De plus, comme dans la plupart des therapies geniques, il reste a voir si elle fonctionnera chez les personnes ayant acquis une immunite naturelle contre le virus adeno-associe porteur de la proteine cBIN1.