C’est une bonne nouvelle pour les Françaises : les épisiotomies ne concernent plus que 8,3% des accouchements, contre 25% en 2010 et jusqu’à 71% en 2003, conclut une nouvelle étude publiée dans PLoS Medicine. Attention cependant à bien différencier les profils de patientes selon qu’elles pourraient bénéficier ou non de la pratique de l’épisiotomie, qui dans certains cas prévient des lésions obstétricales sévères du sphincter anal, pointe le chercheur et sage-femme Thomas Desplanches.
En France, jusqu’à 71% d’épisiotomies début 2000
L’épisiotomie, qui consiste en une incision dans le périnée pour faire plus de place au bébé lors de l’accouchement, a « très longtemps été une pratique de routine en France« , en particulier dans les années 2000, rappelle Thomas Desplanches, qui a co-dirigé ces travaux. L’idée est qu’en élargissant la voie de sortie du bébé, le risque que le périnée se déchire pendant l’effort de poussée sera fortement diminué. Or, une déchirure spontanée peut atteindre l’anus – on parle alors de lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA) – et est bien plus complexe à guérir que l’incision contrôlée et propre de l’épisiotomie et peut causer un impact très négatif sur la qualité de vie.
Mais alors qu’en 2003 en France, 71% des femmes vivant leur premier accouchement subissent une épisiotomie, la société savante des gynécologues obstétriciens (CNGOF) se pose la question de leur pertinence. Elle publie en 2004 des recommandations appelant à une pratique restreinte de l’épisiotomie. « 71 %, cela signifie que l’épisiotomie était extrêmement fréquente et donc souvent non justifiée compte tenu du niveau de preuve scientifique insuffisant concernant son effet protecteur contre les lésions obstétricales graves (LOSA) et des conséquences potentiellement négatives de cet acte« , commente Thomas Desplanches.
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Entre 2010 et 2021, trois fois moins d’épisiotomies pratiquées
Les professionnels de la périnatalité et les patientes, dont les inquiétudes sont de plus en plus audibles sur fond de débat au sujet des violences obstétricales, peuvent effectivement se réjouir d’une diminution drastique du nombre d’épisiotomies réalisées sur le territoire. Au point qu’elles ne concernaient plus que 26% des accouchements en 2010, 20% en 2016, et 8,3% en 2021 ! Des chiffres obtenus grâce aux précieuses données de l’ENP, l’Enquête Nationale Périnatale, qui collecte des données sur la santé périnatale française depuis 1995. « Nous sommes arrivés à l’objectif de l’Organisation mondiale de la Santé, qui est de ne pas dépasser les 10%« , commente Thomas Desplanches avec satisfaction.
Des épisiotomies à éviter dans certains cas, et à potentiellement réinstaurer dans d’autres
Tout l’enjeu à présent est de savoir selon quels critères et sur quelles patientes les épisiotomies restent pertinentes. « Notre étude montre que les femmes nullipares (qui n’ont pas encore d’enfant, ndlr) avec un nouveau-né en présentation céphalique (par la tête, par opposition à la présentation en siège, ndlr) et dont l’accouchement nécessite l’utilisation d’instruments comme les spatules subissent moitié moins d’épisiotomies, mais ont un risque de LOSA multiplié par trois« , de 2,6% en 2010 à 9,6% en 2021, avertit Thomas Desplanches.
Pour ce groupe de femmes en particulier, la restriction de la pratique des épisiotomies a potentiellement été trop drastique. « Ces chiffres doivent poser la question de la place de l’épisiotomie dans ces sous-groupes particulièrement à risque de LOSA. » A contrario, d’autres sous-groupes ont montré des résultats encourageants. Chez les femmes nullipares, l’accouchement sans instrument et à présentation céphalique ne subit plus d’épisiotomie que dans 9% des cas (contre 35% en 2010) en conservant un très faible risque de LOSA d’environ 1%. « Dans ce groupe-là, peut-être faut-il aller encore plus loin dans la restriction, la question mérite d’être posée« , conclut Thomas Desplanches.