Transformer les cellules immunitaires des patients pour qu’elles ciblent des tumeurs cancereuses : c’est le principe d’une therapie cellulaire qui se developpe considerablement depuis quelques annees. On parle de cellules CAR-T. Leur efficacite avait deja ete prouvee lors de precedents travaux sur les leucemies en 2019 notamment.
Plus recemment, elle a ete demontree sur des cellules cancereuses dans le cerveau. Dans le cadre d’une nouvelle etude de l’ecole de medecine de Stanford, des scientifiques ont administre ces cellules CAR-T a des enfants atteints de tumeurs mortelles du cerveau et de la moelle epiniere. « Nous avons trouve un traitement capable de reduire les tumeurs et meme, d’ameliorer les symptomes, » se rejouit Michelle Monje, premiere autrice de l’etude. Leurs resultats ont ete publies dans la prestigieuse revue Nature.
The Mortal Cancers of Infants
Onze jeunes patients ont participe a cette etude. Tous sont atteints de gliome infiltrant du tronc cerebral (DIPG) ou de gliome diffus de la ligne mediane (DMG), des cancers du cerveau et de la moelle epiniere qui frappent principalement les enfants et jeunes adultes. Ces tumeurs rares et particulierement agressives se developpent dans le cerveau et la moelle epiniere.
A titre indicatif, le DIPG, qui touche environ 50 enfants par an en France, est l’un des cancers pediatriques les plus redoutes, avec une survie moyenne de seulement 11 mois. Ces cellules cancereuses se multiplient et envahissent les structures nerveuses vitales. Leur infiltration diffuse affecte des fonctions essentielles dont la motricite, la parole, la deglutition et la respiration.
« Ces cancers sont extremement difficiles a traiter en raison de leur emplacement et de leur agressivite », deplore aupres de Sciences et Avenir Michelle Monje, neuro-oncologue pediatrique a Stanford (Etats-Unis). L’etude de la therapie par cellules CAR-T, qui cible specifiquement ces tumeurs, represente donc un espoir considerable. Mais comment fonctionnent ces cellules ameliorees ?
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Les lymphocytes CAR-T, ces super-cellules immunitaires
Cette methode repose sur des cellules immunitaires presentes naturellement dans notre organisme : les lymphocytes T. Ce sont des cellules cles du systeme immunitaire, capables de reconnaitre et de detruire des cellules infectees. Mais comme les cellules cancereuses proviennent de nos propres cellules, elles passent parfois au travers de leurs filets.
Pour pallier cette lacune, des scientifiques ont decouvert une methode revolutionnaire dans les annees 1990 : modifier les lymphocytes T pour qu’ils ciblent specifiquement certaines cellules. Ces lymphocytes modifies sont appeles CAR-T. Le principe est le suivant : les chercheurs prelevent les lymphocytes T de patients, et les modifient pour qu’elles reperent un signe distinctif des cellules cancereuses. Une fois cette competence acquise, les lymphocytes sont introduits dans l’organisme des patients et peuvent attaquer les cellules cancereuses. Ici le signe distinctif, c’est GD2, une petite molecule presente a la surface des cellules cancereuses, une cible de choix pour cellules CAR-T, car elle est largement exprimee.
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Reduire la taille de la tumeur, jusqu’a sa disparition ?
Parmi les participants, neuf ont montre des benefices considerables. Leurs fonctions neurologiques ont ete ameliorees : « le DIPG et les gliomes s’infiltrent et s’integrent au niveau des synapses des neurones », indique l’autrice. « L’activite du systeme nerveux est en fait le moteur de la croissance du cancer. » Les gliomes provoquent donc un dysfonctionnement des circuits neuronaux, mais ne les detruisent generalement pas.
« Dans cet essai, nous avons constate que lorsque la therapie cellulaire CAR-T eliminait les cellules cancereuses, les fonctions neurologiques se retablissaient rapidement », ajoute-t-elle. Pour quatre patients, la tumeur a diminue de plus de moitie et pour l’un d’eux, elle a meme disparu completement des scanners cerebraux. Les chercheurs ont bon espoir qu’il soit gueri.
Bien que le traitement soit prometteur, il est lourd et presente des effets secondaires importants. Avant de recevoir les lymphocytes CAR-T, les participants ont subi une chimiotherapie afin d’empecher leur systeme immunitaire d’attaquer les cellules modifiees. Les chercheurs ont d’abord administre les lymphocytes par intraveineuse. Mais plusieurs effets secondaires se sont alors declares : fievre, faible pression arterielle, ainsi que des effets neurologiques temporaires dus a une inflammation au sein de la tumeur.
Les patients qui presentaient des benefices des la premiere injection en ont alors recu deux supplementaires, directement dans le liquide cephalo-rachidien. Cette fois, les patients ont ete confrontes a moins d’effets secondaires. Ils ont pu recevoir d’autres injections regulieres.
« Les resultats obtenus dans cette cohorte sont tres encourageants. Toutefois, il nous reste encore beaucoup a faire pour obtenir des reponses completes et durables pour tous les patients », declare Michelle Monje. Aujourd’hui, leurs travaux visent a comprendre les disparites dans les resultats de ce traitement : pourquoi certains patients n’en ont tire aucun benefice ? « L’etude des differences biologiques qui pourraient expliquer ces disparites de reponse therapeutique a genere des hypotheses que nous testons actuellement en laboratoire, dans le but d’optimiser cette therapie a l’avenir », conclut-elle.