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La ville americaine de Flint toujours plombee par sa crise de l’eau

septembre 21, 2024

En ouvrant son robinet, un jour de 2014, Chanel McGhee avait vu avec degout un filet « brunatre » s’ecouler. Aujourd’hui, c’est une forte odeur de moisi qui s’en degage.

Les habitants de la ville americaine de Flint subissent toujours les consequences d’une crise de l’eau historique, qui nourrit un vif rejet de la classe politique.

Voila dix ans que cette mere de deux enfants, residant dans l’Etat du Michigan, frontalier du Canada, ne consomme que de l’eau en bouteille.

« Je ne bois pas au robinet, l’odeur me repugne », souffle cette Afro-Americaine de 47 ans dans sa cuisine traversee par de vives effluves.

Un piege accroche au-dessus de son evier est noirci par les moucherons.

Pour se laver, cette femme actuellement sans emploi explique acheter depuis toutes ces annees des bidons, qu’elle verse dans des casseroles et rechauffe sur sa gaziniere.

« Je veux juste qu’on arrive a un stade ou nous pouvons vivre sans nous soucier de l’eau », souffle la quadragenaire en debardeur gris, se disant « epuisee ».

– « Ils n’ont qu’a la boire » –

La crise dont elle temoigne a pris sa source en 2014, quand l’Etat du Michigan a decide de changer l’approvisionnement en eau de la ville de Flint, a majorite noire, pour des economies derisoires.

Plutot que de s’alimenter grace aux lacs de la region, une des plus grandes reserves d’eau douce au monde, les autorites decident alors de puiser dans une riviere polluee et acide, exposant durant plus d’un an ses quelque 100.000 ames a une eau gravement contaminee au plomb.

Ce scandale sanitaire au retentissement international provoque des troubles d’apprentissage chez de nombreux enfants.

Un pic de cas de legionellose est observe, provoquant la mort d’une dizaine de personnes et une mefiance generalisee envers les autorites publiques.

Celles-ci repetent que l’immense majorite des conduites en plomb ont depuis ete remplacees, et que l’eau est desormais sans danger.

« S’ils disent que l’eau est potable, c’est leur affaire, ils n’ont qu’a la boire », balaie Chanel McGee aupres de l’AFP.

Elle assure ne pas faire davantage confiance aux deux candidats a la presidentielle, qui ratissent son Etat tres convoite pour l’election de novembre.

Le republicain Donald Trump, present sur place mardi ? « Qu’est-ce qu’il peut bien faire pour nous? « , interroge-t-elle. And Kamala Harris? « Je ne sais meme pas qui c’est », repond la quadragenaire en haussant les epaules.

– « Ville contaminee » –

« Personne n’a l’air vraiment preoccupe par notre ville, et tous les problemes qu’elle a connus », rencherit Dennis Robinson, accoude a la table d’une cantine aux petites briques jaunes.

Le sexagenaire, resident de Flint depuis toujours, n’a lui non plus « pas bu l’eau de la ville depuis des lustres », lasse des « mensonges » des pouvoirs publics.

Cet ex-salarie du constructeur automobile General Motors, fonde dans la ville et longtemps son principal employeur, dit avoir constate des « problemes d’apprentissage » aupres de nombreux enfants de sa paroisse, qu’il estime lies a leur exposition au plomb. Une observation corroboree par plusieurs etudes scientifiques.

« C’est un groupe de jeunes qui seront probablement confrontes a des difficultes tout au long de leur vie », lance cet homme a la casquette noire dans un soupir.

Une ribambelle d’initiatives, publiques et privees, ont ete lancees pour offrir un soutien a ces enfants et sortir Flint, frappee de plein fouet par la crise de 2008, du marasme.

Plus d’un tiers de sa population vit en-dessous du seuil de pauvrete.

Le centre, avec ses jolis immeubles art deco, a certes beneficie d’importantes renovations.

Mais des pans entiers de la ville, ses maisons aux portes condamnees et perrons eventres, temoignent du chemin qu’il reste a parcourir.

Reste aussi a se defaire de cette image de « ville contaminee » qui lui colle a la peau.

« Il y a tout le temps des gens qui ne viennent pas d’ici (…) et qui nous font des blagues sur l’eau », confie Bri Gallinet, serveuse dans un restaurant huppe.

« Chaque fois qu’on sert une table et qu’on leur depose des verres d’eau, ils rigolent en nous demandant si elle est bien propre », raconte la femme de 35 ans. « Je leur reponds que je ne suis pas la pour leur faire du mal », s’exclame-t-elle.

« Ce n’est pas vraiment drole, et ca nous fait de la peine. »

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