Le Doliprane, medicament le plus vendu en France, est sur le point de passer sous pavillon americain: Sanofi a annonce vendredi negocier avec le fonds d’investissement americain CD&R pour lui ceder le controle de sa filiale de produits en vente libre Opella.
Dans un bref communique, le groupe pharmaceutique francais declare « avoir entame des negociations avec CD&R pour la cession potentielle d’une participation de controle de 50% dans Opella », confirmant des informations parues dans la presse jeudi soir.
Il ne fournit aucun detail sur cette operation de grande envergure mais indique qu’il communiquera « en temps voulu, lorsqu’une decision aura ete prise » concernant sa filiale qui chapeaute une centaine de marques dont le populaire Doliprane, Mucosolvan, Maalox, Novanuit…
Cette annonce autour de « la plus grosse operation de cette annee dans le secteur pharmaceutique en Europe », selon Gregoire Kounowski, conseiller en investissements chez Norman K, n’avait aucune incidence sur le titre Sanofi vendredi a la Bourse de Paris.
Selon le journal economique Les Echos, le potentiel repreneur americain a offert plus de 15 milliards d’euros pour mettre la main sur Opella, qui se revendique numero trois mondial des medicaments sans ordonnance, vitamines, mineraux et complements alimentaires.
Ce projet de separation avait ete annonce il y a presque un an pour permettre a Sanofi d’accelerer dans l’innovation et de se positionner en champion de l’immunologie et a Opella de se concentrer sur son domaine, considere plus proche d’une logique de consommation que de la pharmacie.
Depuis, cette scission souleve des preoccupations en France concernant l’avenir du Doliprane, fabrique a Lisieux (Calvados) et Compiegne (Oise) et sur des risques delocalisation de sa production.
Sanofi repete depuis des mois que sa separation d’Opella ne marque pas la mort du Doliprane et que les Francais continueront d’en trouver en pharmacies.
– Maintien du siege –
Avec pour preuve, 50 millions d’euros deja investis sur la derniere decennie sur le site de Lisieux qui produit la quasi-totalite du Doliprane, auxquels s’ajoutent actuellement 20 millions d’euros supplementaires pour augmenter de 40% la capacite de production du Doliprane dans les prochaines annees.
Mais la vigilance reste de mise au niveau de l’executif car l’approvisionnement en paracetamol a connu des periodes de tensions au cours de l’hiver 2022-2023, notamment.
Les ministres de l’Economie, Antoine Armand, et de l’Industrie, Marc Ferracci, ont ainsi demande vendredi des engagements de Sanofi et du futur repreneur visant a garantir le « maintien du siege et des centres de decisions sur le territoire national » et « l’empreinte industrielle francaise d’Opella ».
Le fait qu’ils veulent « faire jouer la procedure de controle des investissements etrangers en France peut potentiellement bloquer l’operation », estime M. Kounowski, interroge par l’AFP.
Dans un communique, le groupe LFI-NFP a exige du ministere de l’industrie « qu’il bloque cette cession » et reclame la nationalisation d’Opella qui emploie 1.700 salaries en France.
Opella a beau avoir des racines francaises et le Doliprane etre sa deuxieme marque en termes de revenus, la France ne represente qu’environ 10% des ventes du groupe qui a realise 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023.
Une autre offre etait menee par le fonds francais PAI Partners aux cotes de co-investisseurs internationaux mais Sanofi a prefere l’option americaine qui a presente une offre superieure, selon des sources concordantes.
Un choix qui s’explique, selon ces sources, aussi par le fait que CD&R est un fonds de 26 milliards de dollars, beaucoup plus gros que PAI (7 milliards d’euros), qui aura l’argent disponible pour soutenir la croissance d’Opella.
Cette entite, presente dans 100 pays a renoue avec la croissance depuis quatre ans, mais sa performance (+6%) reste un peu inferieure a celle du marche.
Le fait que les Etats-Unis soient son premier marche d’Opella avec pres de 25% de son chiffre d’affaires a egalement fait pencher la balance au profit de l’americain, qui a par ailleurs deja realise des investissements en France (Conforama, Rexel, Spie ou encore Socotec).
Dans ce projet de separation, Sanofi, qui hesitait entre une cotation en Bourse de sa filiale ou une vente, conserve une part significative dans Opella sur lequel le drapeau national continuera donc de flotter.