L’annee 2025 devait voir l’arrivee en France de traitements a base de cannabis medical. Il n’en sera probablement rien, le sujet etant au point mort sur fond de silence presque general des autorites sanitaires et des gouvernements successifs.
« L’experimentation de l’usage medical du cannabis, lancee en mars 2021, prendra fin le 31 decembre 2024 », a confirme fin decembre a l’AFP l’Agence nationale de securite du medicament (ANSM).
Cette experience, menee aupres de quelques milliers de patients, devait permettre de decider si l’utilisation du cannabis a des fins therapeutiques pouvait devenir realite en France.
S’il n’est autorise a des fins recreatives que dans quelques pays comme l’Allemagne, le cannabis sert en revanche de traitement, principalement contre la douleur et l’anxiete, dans la majorite de l’Union europeenne (UE), ainsi que dans plusieurs Etats americains.
Ce n’est pas le cas en France, mais c’etait parti pour le devenir. Apres plusieurs annees d’experimentation, l’ANSM, qui chapeautait celle-ci, avait annonce en fevrier dernier que les premiers traitements a base de cannabis seraient disponibles en 2025.
Depuis, rien. Le sujet est particulierement preoccupant pour les quelque 1.800 patients encore traites dans le cadre de l’experimentation. Ils sont confrontes a la perspective d’un arret brusque de celle-ci, sans pouvoir enchainer avec un medicament autorise par la loi.
Certes, le ministere de la Sante vient de leur donner un sursis: « une periode de transition » de six mois a partir de ce mercredi 1er janvier, a rapporte l’ANSM.
Mais il s’agit explicitement de faciliter un « arret de la prise en charge », autrement dit de permettre a ces patients de passer a d’autres traitements.
Le flou est donc complet quant au devenir du cannabis medical en France, meme si, sur le plan medical, l’enjeu n’est pas forcement crucial.
– Un manque de transparence –
L’interet du cannabis medical ne fait en effet pas consensus. En France, l’Academie de medecine, certes plutot conservatrice dans ses positions, se montre sceptique.
La recherche, elle, est mitigee. La principale etude de reference, publiee en 2021 dans le British Medical Journal (BMJ) et realisee a partir de nombreux autres travaux, concluait que le cannabis medical permet d’ameliorer de facon « limitee » ou « tres limitee » la situation des patients.
La problematique se situe d’abord sur le terrain de la transparence democratique: l’experimentation francaise apparaissait comme un succes aux termes qui lui avaient ete fixees. Et les parlementaires ont bien approuve l’introduction de traitements a base de cannabis.
Pourquoi ces dispositions n’ont-elles jamais ete concretisees par l’Etat ? En 2024, aucune explication n’a ete fournie par le ministere de la Sante, dans un contexte certes marque par une forte instabilite politique avec quatre gouvernements en un an.
Certains acteurs se refusent neanmoins a y voir la seule explication de ce blocage, rappelant que l’experimentation n’a cesse de connaitre reports et contretemps au fil des ans.
« L’instabilite politique n’a probablement pas aide a l’avancee de ce dossier mais il faut aussi dire que les derniers gouvernements semblaient de moins en moins favorables (…) a concretiser l’acces a ces medicaments », juge aupres de l’AFP le professeur Nicolas Authier qui supervise l’experimentation sur le plan scientifique.
Y a-t-il une chance de voir finalement apparaitre de tels traitements ? Selon M. Authier, un tel choix ne peut etre que « politique » et supposerait ensuite au moins six mois de demarches administratives pour devenir concret.
La decision est donc largement entre les mains de l’actuel ministre de la Sante, Yannick Neuder. Issu de la droite et nomme en decembre dans le gouvernement Bayrou, le nouveau ministre a defendu par le passe le cannabis medical, tout en se montrant intransigeant contre une depenalisation de son usage recreatif.
Interroge par l’AFP, son cabinet a assure que le ministre ferait « prochainement » connaitre sa position.