Le sport a de nombreux effets benefiques : activation de la circulation sanguine, renforcement de la musculature et des os, consommation des lipides et des glucides… Mais il y a un effet que les scientifiques n’avaient, jusque la, pas documente clairement : lorsque les muscles sont soumis a un entrainement, ils stimulent eux-memes la croissance des motoneurones, des cellules qui commandent les muscles pour permettre les mouvements volontaires. De precedentes etudes avaient bien souligne un potentiel lien de cette nature entre l’activite musculaire et la croissance nerveuse, mais pas de cette importance.
En 2023, des chercheurs du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont ete capables de restaurer la mobilite de souris pourtant atteintes d’une importante blessure musculaire. Pour cela, ils ont implante du tissu musculaire sur la blessure avant de le stimuler. Finalement, la greffe a permis aux souris de retrouver leurs fonctions motrices. How?
Lorsque les chercheurs ont analyse la greffe, ils se sont rendus compte que l’exercice physique avait conduit celle-ci a produire des signaux biochimiques connus pour favoriser la croissance des nerfs et des vaisseaux sanguins. « C’etait interessant, car nous pensons toujours que les nerfs controlent les muscles, mais nous ne pensons pas que les muscles communiquent avec les nerfs, remarque dans un communique la chercheuse Ritu Raman. Nous avons donc commence a penser que la stimulation musculaire favorisait la croissance nerveuse. Les gens ont repondu que c’etait peut-etre le cas, mais qu’il existe des centaines d’autres types de cellules chez un animal, et qu’il est tres difficile de prouver que le nerf se developpe davantage a cause du muscle, plutot que du systeme immunitaire ou d’un autre facteur jouant un role« .
Une croissance quatre fois plus rapide
Une nouvelle etude, publiee le 10 novembre 2024 dans la revue Advanced Healthcare Materials, a permis de verifier In vitro le role du muscle sur la croissance nerveuse. Au cours de celle-ci, les chercheurs du MIT ont meticuleusement isole les cellules musculaires de toutes influences pour eviter les biais. Ils ont ainsi cree, en laboratoire, un minuscule tissu musculaire avec des cellules de souris, modifie genetiquement pour se contracter en reponse a la lumiere. Ils pouvaient ainsi lui permettre de s’exercer comme s’il se trouvait dans le corps d’un animal.
Ils ont ensuite recupere la solution dans laquelle baignait le tissu afin d’utiliser les substances qu’il avait secretees. Et ils ont place cette solution dans un recipient contenant des motoneurones (ou neurones moteurs) de souris. L’effet a ete rapide : les cellules nerveuses ont rapidement commence a grandir, quatre fois plus vite que celles qui n’avaient pas recu la solution. Ces neurones « poussent beaucoup plus loin et plus vite, et l’effet est assez immediat« , commente Ritu Raman.
Ils sont, comme s’en doutaient les chercheurs, exposes a des myokines. Ces proteines, des facteurs biochimiques, sont secretees par la contraction repetee d’un muscle. Produites par les cellules musculaires, elles sont liberees dans le systeme circulatoire et peuvent moduler l’activite cellulaire dans le corps.
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Une croissance mecanique et biochimique
Mais comment exactement les neurones repondent-ils a ces signaux cellulaires ? Pour le comprendre, les scientifiques ont etudie les changement d’expression des genes de ces cellules nerveuses. « Nous avons constate que de nombreux genes regules a la hausse dans les neurones stimules par l’exercice n’etaient pas seulement lies a la croissance des neurones, mais aussi a leur maturation, a leur capacite a communiquer avec les muscles et les autres nerfs, et a la maturite des axones, explique la chercheuse. L’exercice semble avoir un impact non seulement sur la croissance des neurones, mais aussi sur leur maturite et leur bon fonctionnement« .
Si les muscles ont un effet biochimique sur les neurones, via les myokines, ils ont egalement un impact mecanique. En effet, les motoneurones bougent en meme temps que les muscles auxquels ils sont lies lorsque ceux-ci se contractent et se decontractent. Ces mouvements peuvent-ils egalement favoriser la croissance des cellules nerveuses ? En exercant seulement un ensemble de neurones, sans muscle et 30 minutes par jour, les chercheurs ont note une croissance aussi elevee que lors du « bain » avec des myokines.
Les scientifiques du MIT ont decouvert que la croissance des motoneurones augmentait de maniere significative sur 5 jours en reponse a des signaux biochimiques (a gauche) et mecaniques (a droite) lies a l’exercice. La boule verte represente un groupe de neurones qui se developpent vers l’exterieur en longues queues, ou axones. Credit : Angel Bu
« C’est un bon signe car cela nous indique que les effets biochimiques et physiques de l’exercice sont tout aussi importants« , remarque Ritu Raman. Cependant, malgre une morphologie similaire entre les neurones stimules mecaniquement et ceux stimules biochimiquement, l’action mecanique semblait avoir une action plus faible que l’autre sur l’expression des genes. Une difference, peut-etre due au protocole utilise, qui devrait etre mieux comprise lors de prochaines etudes.
S’ils sont encore preliminaires, ces resultats offrent l’espoir d’une meilleure prise en charge des personnes atteintes de maladies neurodegeneratives. En ciblant leurs muscles, les chercheurs esperent pouvoir, un jour, retablir en partie leur mobilite.