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L’effet Mazan: vague d’appels a la plateforme nationale sur la soumission chimique

décembre 15, 2024

Des femmes redoutant avoir ete droguees a leur insu, des medecins craignant avoir mal diagnostique une soumission chimique: la plate-forme lancee recemment par les pouvoirs publics repond aux inquietudes qu’a provoque le proces Mazan.

Acteur cle dans la lutte contre la soumission chimique, le centre d’addicto-vigilance de Paris, qui prodiguait des conseils au telephone, a lance le 15 octobre le Centre de reference sur les agressions facilitees par les substances (Crafs).

Il informe et oriente les victimes, leur entourage, les temoins et les professionnels de sante.

« La soumission chimique vous enleve vos souvenirs mais elle laisse des traces »: une affiche pour faire connaitre cette plateforme et son numero national (01 40 05 42 70) est deployee depuis debut decembre dans les pharmacies de France.

Depuis le proces Mazan, le centre, situe dans l’Hopital Fernand-Widal a Paris, recoit une vague de demandes de professionnels de sante.

Fatigue, absences, douleurs gynecologiques inexpliquees: Gisele Pelicot a consulte pendant des annees de multiples medecins et passe des examens, sans que soit soupconne qu’elle etait droguee par son mari qui la livrait a des dizaines d’hommes qui la violaient.

« Les medecins qui nous contactent se disent qu’eux aussi n’auraient peut-etre rien vu. Quels signes doivent les alerter? Ils ont l’impression de n’etre pas assez formes », explique la Dr Leila Chaouachi, fondatrice du Crafs.

Gisele Pelicot arrive au tribunal d'Avignon pour le proces de son ex-mari Dominique Pelicot, le 10 decembre 2024 (AFP - Christophe SIMON)
Gisele Pelicot arrive au tribunal d’Avignon pour le proces de son ex-mari Dominique Pelicot, le 10 decembre 2024 (AFP – Christophe SIMON)

Somnolence, nausees, vomissements, palpitations, desorientations, hallucinations, troubles de la vision, amnesie: les symptomes qui doivent alerter, en presence de signe d’agression, sont multiples, explique le Crafs.

La Dr Leila Chaouachi cite l’exemple d’un medecin ayant recu une patiente qui, poussee a boire, a subi une agression sexuelle. Ce medecin demande la marche a suivre pour l’accompagner et l’orienter.

Un autre a fait etat d’une patiente victime de violences conjugales avec suspicion de soumission chimique. Peut-il prescrire par ordonnance une analyse capillaire? Et quelles substances rechercher? Le Crafs explique qu’il faut plutot encourager la victime a porter plainte pour qu’elle puisse beneficier d’analyses toxicologiques gratuites.

Des etablissements festifs (bars, discotheques…) reflechissent a la mise en place de protocoles. Est-ce interessant de mettre un couvercle sur les verres ?

Cinq femmes, pharmacologues, formees sur les violences sexuelles, repondent a leurs questions.

– maltraitance chimique –

« Les idees recues empechent la detection de la soumission chimique: on pense que cela concerne des jeunes filles droguees dans un club avec du GHB. Or nos donnees montrent que la victime est droguee souvent dans son entourage par une personne qui trahit sa confiance », explique la Dr Chaouachi.

Le centre d'addicto-vigilance de Paris avait recu une vague de temoignages en 2021 lorsque les hashtags #BalanceTonBar ou #MeTooGHB avaient libere la parole sur les agressions dans la sphere festive (AFP/Archives - FRED TANNEAU)
Le centre d’addicto-vigilance de Paris avait recu une vague de temoignages en 2021 lorsque les hashtags #BalanceTonBar ou #MeTooGHB avaient libere la parole sur les agressions dans la sphere festive (AFP/Archives – FRED TANNEAU)

« Cela peut etre une femme de n’importe quel age, victime de viols, y compris conjugaux. Une personne agee droguee pour lui faire signer un papier extorquant un heritage, ou un enfant drogue pour ne pas avoir a s’en occuper, c’est de la maltraitance chimique », explique-t-elle.

Une femme, qui a porte plainte pour viols conjugaux, appelle la plate-forme. Elle raconte s’etre sentie alors fatiguee, dans un etat second, avec des trous de memoire repetes, et se demande aujourd’hui si elle n’a pas ete droguee a son insu.

L’ecoutante explique qu’elle peut, par une analyse de cheveux, remonter dans le temps et reperer des substances. « Cinq centimetres de cheveux, c’est cinq mois d’historique ».

Le Crafs mene un projet de recherche scientifique pour ameliorer les connaissances sur les substances utilisees, a partir de prelevements capillaires sur les victimes.

Une personne agee a raconte des viols conjugaux qu’elle a pu subir il y a 30 ans, une autre a evoque un inceste quand elle etait enfant.

« Meme anciens, ces temoignages sont utiles: ils nous renseignent sur les modes operatoires des agresseurs. Les victimes sont nos yeux et nos oreilles. Et parler et etre entendue fait du bien a la victime », explique la Dr Chaouachi.

Avant ce nouveau flux d’appels, le centre d’addicto-vigilance de Paris avait recu une premiere vague de temoignages en 2017 lors du mouvement #MeToo, sur des faits plutot anciens. Une deuxieme vague en 2021 avait libere la parole sur les agressions dans la sphere festive, encouragee par les hashtags #BalanceTonBar ou #MeTooGHB.

Les donnees recues par la plate-forme, utilisees anonymement, alimentent l’enquete Soumission Chimique publiee par l’Agence nationale de securite du medicament (ANSM).

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