L’espérance de vie a nettement augmenté ce siècle dernier, passant d’environ 30 ans en 1900 à environ 73 ans en 2020. Au point que certains se demandent s’il serait possible de vivre au-delà des 120 ans et dépasser ainsi le record établi par Jeanne Calment, morte en 1997 à l’âge de 122 ans. Désormais, la question n’est plus seulement de vivre plus de temps, mais de rester en bonne santé le plus longtemps possible. Cette espérance de vie en bonne santé a augmenté aussi durant ces dernières décennies. Selon les données de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques, en France, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans a progressé depuis 2008 de presque deux ans. Cette bonne nouvelle dans l’Hexagone pourrait refléter une tendance plus globale, selon une étude publiée le 19 décembre 2024 dans le journal Nature Aging. Dans celle-ci, des chercheurs de l’University College de Londres, l’Université Columbia à New York et l’Organisation mondiale de la santé ont analysé le vieillissement des seniors nés depuis 1920 au Royaume-Uni et en Chine, montrant que les générations plus récentes entrent dans cette période de vie en meilleure santé que leurs prédécesseurs.
Les seniors britanniques vieillissent de mieux en mieux
Pour faire cette comparaison entre générations de seniors, les auteurs ont conçu une mesure nommée “capacité intrinsèque”, qui synthétise toutes les capacités physiques et cognitives d’un individu à un moment donné. Cette mesure prend en compte des aspects psychologiques (si la personne se sent déprimée ou heureuse, si elle dort bien, etc.), cognitifs (tels que la mémoire à court et long terme), ainsi que des aspects physiques comme la vitesse de marche, l’équilibre, la force et la capacité respiratoire. Selon les auteurs, cet ensemble de données permet de prendre en compte le vieillissement naturel de la personne ainsi que toute maladie qui entrave son quotidien ou toute intervention médicale qui l’améliore.
Cette “capacité intrinsèque” a été mesurée chez près de 15.000 Britanniques de plus de 60 ans, nés entre les années 20 et les années 50 du 20e siècle. Sans surprise, cette capacité diminuait avec l’âge pour toutes les générations, reflétant les détériorations de santé normales lors du vieillissement. Mais cette détérioration était plus rapide chez les générations plus anciennes. En plus, les seniors nés dans les années 50 entraient dans le troisième âge avec des capacités plus élevées que ceux nés lors des décennies précédentes. Ainsi, une personne de 68 ans née en 1950 était en meilleure forme qu’une personne de 62 ans née en 1940.
70 ans, « le nouveau 60 ans »
Ces résultats ont été confirmés avec une deuxième cohorte, avec 11.000 Chinois nés entre les années 20 et les années 50. Tout comme les Britanniques, les seniors chinois des générations les plus récentes entraient dans le grand âge en meilleure forme que leurs aïeuls. Et le vieillissement de ceux nés plus récemment était aussi plus lent que pour ceux nés auparavant.
“Nous étions surpris de voir à quel point ces améliorations entre les générations étaient grandes, particulièrement lorsque l’on compare des personnes nées après la 2e guerre mondiale et ceux nés avant, déclare dans un communiqué John Beard, spécialiste du vieillissement à l’Université de Columbia et auteur de l’étude. Ces tendances montrent que pour beaucoup de personnes, 70 ans serait le nouvel équivalent des 60 ans d’avant.”
Une tendance qui pourrait stagner
Selon les auteurs, ces améliorations auraient plusieurs causes. Socioéconomiques, avec par exemple la montée de taux de personnes éduquées dans les deux pays, ce qui protégerait leur cognition. L’accès à une meilleure alimentation, notamment durant l’enfance, pourrait aussi avoir joué un rôle protecteur. Les avancées médicales du siècle dernier auraient pu aussi contribuer à cette amélioration de la santé des seniors. Sans oublier des évènements potentiellement marquants dans la vie de ces personnes, telles que la grande dépression de 1929, la Seconde Guerre mondiale, ou encore la guerre civile chinoise.
“Mais il n’est pas sûr que ces améliorations se poursuivront pour les prochaines générations de seniors”, prévient John Beard. Car des problèmes modernes tels que l’épidémie d’obésité qui touche une grande partie du globe empirent la santé des générations actuelles et pourraient donc diminuer leurs “capacités intrinsèques” lors de la vieillesse. Cependant, les auteurs restent optimistes : “Cette étude montre que la capacité intrinsèque, ce qui compte vraiment pour la qualité de vie des personnes âgées, n’est pas figée, la recherche médicale pourrait donc augmenter cette capacité, c’est plutôt un message d’espoir pour le futur”, conclut l’expert en vieillissement de l’Université de l’Illinois, Jay Olshansky.