« Les manifestations du lupus peuvent etre defigurantes, et meme mortelles », indique Jaehyuk Choi, chercheur a la Northwest University, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. En effet, cette maladie auto-immune peut provoquer des lesions tres serieuses notamment au niveau de la peau, des reins et meme du cerveau.
Une potentielle voie therapeutique contre le lupus
En France, on estime que le lupus erythemateux dissemine, aussi appele lupus systemique, touche entre 30.000 et 60.000 personnes, et beaucoup plus de femmes que d’hommes. La gravite des symptomes varie considerablement, allant d’une maladie benigne a une maladie potentiellement mortelle a cause des lesions qu’elle peut provoquer dans differents organes, d’ou l’appellation « systemique« .
Les causes de la maladie ont longtemps ete meconnues des chercheurs. En l’absence de cible precise, les traitements n’etaient donc pas toujours efficaces, ou leurs effets secondaires tres lourds. « Les patients peuvent souffrir des complications de la maladie elle-meme mais aussi des effets indesirables des traitements utilises pour la soigner : prise de poids, perte osseuse et risque accru d’infections opportunistes qui affectent les personnes immunodeprimees », deplore le chercheur.
Mais les cartes s’appretent a etre rebattues. Avec son equipe, Jaehyuk Choi vient de mettre en evidence les mecanismes physiopathologiques de la maladie, c’est-a-dire les troubles fonctionnels de l’organisme lorsque le lupus se declare. Parmi leurs decouvertes, un resultat fait mouche. Les scientifiques ont identifie et teste une potentielle voie therapeutique. Ces nouveaux travaux, publies dans la prestigieuse revue Nature, ouvrent donc de nouvelles perspectives de traitement.
Comment le lupus affecte-t-il le systeme immunitaire ?
Dans le sang circulent notamment des globules blancs, dont les lymphocytes B et T charges de produire des anticorps pour detruire les agents pathogenes. Chez les patients atteints de lupus, ces cellules sont en surnombre, et produisent de mauvais anti-corps. Mais pourquoi ?
La maladie engendre un defaut de signalisation. La regulation de la quantite de ces cellules immunitaires est controlee par des recepteurs, appeles AHR. Mais cette voie metabolique est alteree chez les patients lupiques. En temps normal, de petites proteines appelees interferons contribuent a lutter contre les infections, mais dans cette maladie, elles s’attaquent a la voie regulatrice controlee par les recepteurs AHR.
Consequence directe : une surproduction de lymphocytes B et T. « On pense que cet « emballement » immunitaire est a l’origine de la production d’auto-anticorps chez les patients atteints du lupus, » explique Jaehyuk Choi. Au lieu de s’attaquer aux corps etrangers, les auto-anticorps detruisent les tissus sains.
Reequilibrer la production de lymphocytes
Aujourd’hui, le traitement le plus efficace consiste a diminuer l’activite du systeme immunitaire avec une immunosuppression generalisee. Mais les patients ainsi traites sont alors exposes a un risque important d’infection, et donc de complications graves. Les nouveaux travaux de la Northwest University revelent l’existence d’une nouvelle cible therapeutique : les recepteurs AHR.
« On a decouvert qu’on pouvait stimuler cette voie metabolique grace a de petites molecules activatrices », Jaehyukchoi. Pour cela, les chercheurs ont introduit ces molecules dans des echantillons de sang de patients lupiques. Leurs travaux ont porte sur plusieurs cohortes, de 7 a 300 individus.
Results? Comme ils l’esperaient, le nombre de lymphocytes pathologiques a largement diminue. Plus interessant encore, ils ont ete reprogrammes en d’autres cellules : les lymphocytes Th22, qui favorisent la cicatrisation des plaies causees par cette maladie auto-immune.
« Ces etudes moleculaires sont essentielles pour eclairer la conception de nouveaux traitements qui ne sont pas largement immunosuppresseurs, mais qui ciblent plutot les defauts primaires a l’origine du lupus. S’il existe un desequilibre chimique qui reduit l’activite de l’AHR chez les patients atteints de lupus, la reinjection de cette substance chimique peut constituer un traitement adapte a l’une des causes profondes du lupus », ajoute-t-il, enthousiaste.
Une decouverte d’autant plus attendue qu’elle permettrait d’eviter une immunosuppression generalisee et d’epargner ainsi les cellules immunitaires saines des patients, indispensables pour lutter contre les infections mais aussi les cancers. Prochaine etape : s’assurer que ces effets sont durables. L’equipe de Jaehyuk Choi espere par la suite pouvoir administrer ces molecules activatrices directement chez les patients atteints de lupus.