« Les cellules greffées produisent de la dopamine dans le cerveau et améliorent les symptômes de la maladie de Parkinson« , se félicite Jun Takahashi, directeur du Centre de recherche et d’application sur les cellules iPS (CiRA) à l’Université de Kyoto (Japon). Dans une étude que ce spécialiste des cellules souches a dirigée, sept patients atteints de la maladie de Parkinson ont été implantés avec succès de neurones producteurs de dopamine tout neufs. Publiés dans le même numéro de la revue Nature, une seconde étude utilisant un autre type de cellules souches réitère l’exploit, cette fois sur 12 patients d’Amérique du Nord.
La maladie de Parkinson est causée par la mort des neurones produisant la dopamine
Malades depuis plus de cinq ans et âgés de 50 à 69 ans, les sept participants à l’étude japonaise ne répondaient pas aux traitements disponibles. Au Canada et Etats-Unis, les 12 patients avaient 50 à 78 ans, et étaient diagnostiqués depuis 3 à 20 ans. Dans les deux études, les patients ont été greffés de progéniteurs de neurones dopaminergiques, c’est-à-dire des neurones dopaminergiques en devenir – créés par manipulation de cellules souches. La greffe s’est faite au niveau du putamen, plus accessible que la substance noire et à laquelle il est connecté.
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Car dans le cerveau d’un malade de Parkinson, c’est dans cette substance noire, au cœur du cerveau, que certains neurones situés meurent prématurément. Sans la dopamine que ces neurones sont chargés de produire, les patients expérimentent progressivement rigidité musculaire, mouvements ralentis et tremblements. « Les thérapies actuelles atténuent les symptômes de la maladie de Parkinson mais n’améliorent pas les conditions pathologiques de fond« , pointe Jun Takahashi. Le traitement principal est le médicament levodopa, à partir duquel le cerveau produit de la dopamine. Malheureusement, son efficacité diminue avec le temps à mesure que la population des neurones dopaminergiques, capables de les transformer en dopamine, diminue. Pour cette raison, les chercheurs tentent depuis les années 1980 de régénérer les neurones dopaminergiques eux-mêmes.
Utiliser des cellules souches pour créer des neurones de remplacement
Mais plusieurs obstacles ont dû être surmontés avant d’en venir à ces nouveaux travaux. D’abord, il faut une technique permettant de générer une grande quantité de ces progéniteurs neuronaux à greffer, sans avoir à tous les dériver de cellules trouvées dans des tissus fœtaux. Dans ces deux nouvelles études, chaque greffe contenait un à cinq millions de cellules en fonction du dosage (faible ou haut) choisi. Une avancée rendue possible grâce à l’utilisation de cellules souches, ces cellules capables d’évoluer en n’importe quelles cellules spécifiques de l’organisme pour peu qu’on lui donne les signaux nécessaires. Elles ont ici été générées selon deux méthodes différentes.
Chez les japonais, ce sont des cellules souches pluripotentes induites (iPS), reprogrammées génétiquement en laboratoire à partir de n’importe quelle cellule pour la faire régresser au stade de cellule souche. C’est d’ailleurs à un chercheur japonais du nom de Shinya Yamanaka que cette découverte valu le prix Nobel de médecine 2012. Du côté de l’Amérique du Nord, ce sont des cellules couches embryonnaires humaines qui ont été utilisées. Initialement prélevées chez des embryons âgés de cinq à sept jours mais aujourd’hui commercialisées, elles sont capables de se multiplier à l’infini.
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Une thérapie par cellules souches qui semble sûre
Les risques n’étaient pas neutres et comptaient notamment l’apparition de dyskinésies (troubles des mouvements) et le développement de tumeurs. « Pour la survenue de dyskinésies, l‘une des explications tient à la présence accidentelle de neurones sérotoninergiques contenus dans le tissu fœtal« , explique Jun Takahashi. Quant au risque de tumeur, il existe en cas de reste de cellules souches indifférenciées dans le greffon.
Dans les deux études dites de phase I ou II et donc dédiées à évaluer la sécurité du produit, aucun effet indésirable important n’a été constaté. « Nous savions que les neurones dopaminergiques dérivés de cellules iPS survivaient et fonctionnaient dans le cerveau d’animaux (souris, rats, singes), mais nous étions incertains pour le cerveau humain« , se souvient Jun Takahashi. « Nous avons désormais confirmé l’innocuité des neurones dopaminergiques dérivés de cellules iPS dans le cerveau de patients atteints de la maladie de Parkinson. »
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Bien que ces études n’aient pas été pensées pour évaluer l’efficacité de la méthode, les chercheurs rapportent de premiers indicateurs positifs. Dans l’étude nord-américaine, le greffon subsiste au moins 18 mois et diminue les symptômes de 50%. Chez les Japonais aussi, les patients voient presque tous leurs symptômes s’améliorer, et dans les deux études, les chercheurs confirment que le greffon continue bien à produire de la dopamine jusqu’à deux ans après l’opération. Les deux équipes prévoient d’ores et déjà le passage à l’étape d’après, une étude clinique de phase III avec plus de patients pour évaluer l’efficacité réelle de leurs produits face à un groupe contrôle. Aujourd’hui, la maladie de Parkinson est la seconde maladie dégénérative la plus fréquente au monde (derrière la maladie d’Alzheimer), et concerne 175.000 personnes en France.