Face a des ruptures « alarmantes » de medicaments juges essentiels, les autorites sanitaires ont sanctionne par une forte amende des laboratoires pharmaceutiques pour ne pas avoir maintenu de stocks suffisants, une decision qui « indigne » les entreprises du medicament.
L’Agence nationale de securite du medicament (ANSM) a ete amenee a « prononcer des sanctions financieres a l’encontre de 11 laboratoires pharmaceutiques, pour un montant total de pres de 8 millions d’euros », a-t-elle declare dans un communique.
La loi a ete durcie recemment: alors que les penuries de medicaments s’aggravent d’annee en annee, elle prevoit depuis trois ans que les medicaments dits d’interet therapeutique majeur (MITM) disposent d’un stock de securite de quatre mois minimum s’ils ont fait l’objet de ruptures ou risques de rupture reguliers au cours des deux annees precedentes. Ce stock est de deux mois pour les autres MITM.
Ces medicaments sont ceux pour lesquels une interruption de traitement peut mettre en danger la vie du patient a court ou moyen terme.
Quelque 748 medicaments sont desormais concernes par cette mesure, contre 422 en 2021.
« On a une situation qui est particulierement alarmante (…), inedite » en 2023, « avec plus de 5.000 ruptures de medicaments declarees, c’est 30% de plus qu’en 2022, c’est six fois plus qu’en 2018 », a fait valoir mardi sur franceinfo Alexandre de La Volpiliere, le directeur general de l’ANSM.
« Si on se met a la place des patients, c’est meme une situation angoissante de ne pas trouver le medicament que le medecin nous a prescrit », a-t-il poursuivi.
Les sanctions annoncees, qui correspondent a des manquements constates en 2023, sont sans precedent. Au titre de 2022, a peine plus de 500.000 euros de sanctions avaient ete decretees.
Une trentaine de references sont concernees et couvrent un large spectre therapeutique.
« Les manquements identifies concernent par exemple les anti-hypertenseurs, des anti-cancereux, des anti-microbiens, des medicaments en neurologie… », a explique a l’AFP Alexandre de la Volpiliere. « Aucune classe n’est malheureusement epargnee par ce phenomene. »
– « Amalgame trompeur » –
Les principaux laboratoires concernes sont « Biogaran, Sandoz, Viatris: les plus grosses sanctions concernent des medicaments generiques, ce qui correspond aux principales ruptures d’approvisionnement qu’on a pu constater ces dernieres annees », a-t-il ajoute.
L’organisation professionnelle des entreprises du medicament (Leem) s’est « indignee » mardi de cette decision, regrettant de ne pas avoir ete informee en amont.
« Depuis de nombreuses annees, nous nous mobilisons sur le sujet des penuries en collaboration avec l’ANSM. Au quotidien, nous travaillons avec les autorites de sante et repondons en toute transparence a leurs demandes », a-t-elle reagi dans un communique.
Le Leem a deplore un « amalgame trompeur », fait selon elle par l’agence du medicament, entre les obligations de declarations des entreprises sur les tensions et les situations de ruptures reelles: la hausse des risques de rupture « correspond simplement au fait qu’il est demande aux entreprises de declarer plus tot et davantage, sans pour autant que le medicament soit manquant », ecrit-elle.
« Le prononce de telles sanctions et la montee en puissance de la severite de leur appreciation ne peuvent constituer une solution perenne aux problematiques des ruptures de stocks », a reagi de son cote Biogaran, leader francais du medicament generique, touche par l’une des plus grosses sanctions pour des stocks insuffisants d’une molecule contre l’hypertension, l’irbesartan.
« Les impacts financiers de ces mesures renouvelees dans le temps risquent a terme d’oberer la situation financiere des entreprises fabricant des medicaments », ajoute Biogaran, fustigeant la « ligne de conduite tres dure des autorites ».
Biogaran, filiale du laboratoire Servier, assure en outre avoir ete en mesure d’assurer l’approvisionnement continu du marche.
Ces annonces ont a l’inverse ete favorablement accueillies par les associations de patients, inquietes de l’aggravation des penuries de traitements.
« C’est un bon signal puisque avant les amendes etaient beaucoup plus faibles », se felicite Catherine Simonin, de France Assos Sante, qui federe de nombreuse associations. Elle y voit le signe que « les controles sont faits ».