Certaines bacteries semblent faire bon menage avec les virus. Au point de les rendre plus resistants et plus contagieux. C’est le cas de la grippe, qui, couplee aux bacteries portees par certains, devient plus transmissible, selon une recente etude publiee dans le Journal of Virology.
« Tout comme chaque personne possede un Microbiote unique dans l’intestin, nous avons aussi chacun un microbiote qui nous est propre dans les voies orales et respiratoires. Ce sont des communautes de microbes bien distinctes et tres importantes. La recherche a maintenant largement montre comment le microbiote intestinal influe sur de nombreux aspects de la sante humaine. Desormais, les travaux commencent a montrer comment les microbiotes des voies orales et respiratoires peuvent aussi avoir un impact sur la sante globale« , explique Shannon Christa David, chercheuse a l’Ecole Polytechnique Federale de Lausanne (EPFL) et premiere autrice de l’article. Et en particulier sur les infections virales, comme dans le cas de la grippe.
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Un virus plus tenace sur les surfaces
Dans nos voies respiratoires, le virus de la grippe cohabite avec les bacteries deja presentes en temps normal. Lorsqu’il est excrete lors de la toux ou d’un eternuement, il en ressort encore plus fort selon ces travaux.
Dans une premiere experience, des gouttelettes contenant uniquement le virus de la grippe ont ete comparees a d’autres contenant aussi des bacteries des voies respiratoires. En comparant leur charge virale, donc la quantite de virus qu’elles contiennent, l’equipe s’est apercue que le virus pouvait persister plusieurs heures lorsqu’il etait en contact avec des bacteries.
En revanche, le virus seul disparaissait presque completement apres 30 minutes. Dans un deuxieme temps, la meme experience a ete reproduite sur des particules d’aerosols semblables a celles echangees entre deux personnes qui se parlent. Cette fois encore, le virus isole n’etait plus infectieux apres 15 minutes. Mais en presence de bacteries, il perdurait pendant une heure.
Deux bacteries en particulier favorisaient le plus la propagation virale : Staphylococcus aureus et Streptococcus pneumoniae. Pourquoi ? C’est ce que Shannon Christa David voudrait decouvrir dans de nouveaux travaux. « Pour le moment, on sait que les bacteries entieres se stabilisent, alors que celles qui ont ete lysees (c’est-a-dire qui ont explose, ndlr) ne le sont pas. Les bacteries entieres accelerent le taux d’evaporation des gouttelettes et cela protege le virus. Ce dernier est ainsi moins longtemps en contact avec des sels hautement concentres qui sont deleteres pour lui. » Observees au microscope, ces gouttelettes ont une forme plus plate, ce qui permet une meilleure evaporation. Car c’est dans les environnements secs que les virus vivent le plus longtemps.
Une vue au microscope de la bacterie Streptococcus pneumoniae presente dans les voies respiratoires humaines. Credits. 2024 EPFL/LEV CC-BYSA 4.0
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Qui porte ces bacteries ?
Chez tout le monde, la peau et les muqueuses sont colonisees par des bacteries, certaines bonnes et d’autres mauvaises. Environ 30% de la population est porteuse de Staphylococcus aureus de facon permanente, tandis que 60% peuvent etre des porteurs transitoires. 20 a 30% des individus, portent, eux, Streptococcus pneumoniae de maniere permanente.
« Ces deux bacteries font partie de la flore « normale » dans un nez et des voies respiratoires saines. Elles augmentent le taux de renouvellement des cellules epitheliales (la surface de la peau dans ces zones, ndlr) et produisent du mucus lors de la reponse immunitaire. A contrario, quand ce tissu est endommage, cela peut mener a des infections des voies respiratoires comme la bronchite ou la pneumonie« , detaille Shannon Christa David.
« Pour autant que nous sachions, c’est la premiere fois qu’on decouvre une bacterie capable de stabiliser le virus de la grippe dans des gouttes de salive et des aerosols dans l’environnement. On savait deja que la meme bacterie respiratoire peut interagir avec d’autres virus respiratoires lorsqu’ils sont en contact a l’interieur de l’hote, comme le rhinovirus et le virus respiratoire syncytial, explique la chercheuse. Mais cela signifie que les modeles de simulation sous-estiment probablement le risque d’infection.«
A la lumiere de ces nouvelles donnees, elle espere mieux comprendre pourquoi le virus voyage efficacement d’une personne a l’autre. Ces resultats pourraient, a terme, etre pris en compte dans les etudes de sante publique en identifiant les individus susceptibles de produire une charge virale plus elevee.