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Quel stade du sommeil favorise les éclairs de génie ?

juin 27, 2025

On dit souvent que la nuit porte conseil. Une équipe de l’université de Hambourg (Allemagne) a tenté de comprendre à quel moment du sommeil cela se produit. Pour cela, les scientifiques ont étudié 90 volontaires confrontés à un exercice complexe avant et après une sieste. Leurs résultats, publiés le 26 juin 2025 dans la revue PLOS Biology, établissent un lien entre une phase du sommeil et l’illumination soudaine permettant la résolution d’un problème.

Une expérience visuelle

Durant l’expérience, les 90 participants devaient répondre à une série de stimuli visuels : des points colorés (orange ou violets) se déplaçant sur un écran. Les points apparaissaient et disparaissaient au hasard, tout en se bougeant selon l’une des quatre directions orthogonales : haut, bas, gauche ou droite. Ce dispositif est appelé “kinématogramme de points aléatoires”, dont voici un exemple en vidéo. Les sujets apprenaient progressivement à appuyer sur un bouton selon la direction du mouvement perçue. Cela devenait particulièrement difficile lorsque les points étaient “bruités”, c’est-à-dire que leur apparition était très aléatoire.

À partir de la quatrième série d’essais, une règle secrète venait s’ajouter : la couleur des points offrait une information précieuse sur la bonne réponse, permettant de deviner la direction même lorsque le mouvement était difficile à discerner. Cette règle n’était jamais communiquée aux participants. Seule une intuition, ou une prise de conscience spontanée, pouvait leur permettre de repérer cette astuce et ainsi améliorer nettement leurs performances.

Après ce quatrième bloc, les volontaires étaient invités à faire une sieste de 20 minutes. Leur activité cérébrale était alors surveillée par un électroencéphalogramme (EEG) à 64 électrodes. Les participants reprenaient ensuite l’exercice pour cinq nouvelles séries d’essais, toujours sans connaître la règle cachée.

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Une sieste pour résoudre le problème

Ensuite, en analysant les performances sur les essais les plus difficiles (avec des points très bruités), les scientifiques ont pu repérer les moments où les participants avaient une soudaine “illumination”. C’est-à-dire lorsqu’ils comprenaient l’aide apportée par la couleur et amélioraient leurs résultats. Durant les trois premières séries, le taux de réussite atteignait 92 % sur les essais faciles, mais chutait à 56 % pour les difficiles. Ainsi, toute amélioration soudaine dans ces derniers était le signe que la règle implicite avait été découverte. Les résultats sont explicites : 70,6 % des participants ont connu ce moment de lucidité après la sieste.

L’équipe est allée plus loin, en exploitant les données de l’EEG pour associer la découverte de la règle implicite à la phase de sommeil (lire l’encadré ci-dessous) atteinte pendant la pause. Leurs analyses révèlent qu’il existe bel et bien une corrélation : seuls 55,5 % des participants restés éveillés ont eu ce “coup de génie”. Ce taux montait à 63,6 % chez ceux ayant atteint la phase N1, et culminait à 85,7 % pour les sujets entrés en phase N2, le sommeil lent. Par comparaison, dans une étude précédente utilisant la même tâche sans pause de 20 minutes, seulement 49,6 % des participants avaient trouvé la règle cachée.

Notre sommeil se découpe en plusieurs phases, caractérisées par le type d’ondes cérébrales mesurées par l’EEG. La première est la phase N1, ou sommeil léger, correspondant à la transition de l’éveil à l’endormissement. La suivante est N2, le sommeil lent, où l’activité musculaire diminue. Arrive ensuite N3, le sommeil profond, puis enfin le sommeil paradoxal, la phase des rêves, où le cerveau est très actif mais le corps paralysé. Ces phases s’enchaînent en cycles d’environ 90 minutes, plusieurs fois par nuit.

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Le repos du cerveau comme atout dans l’apprentissage

Pour expliquer ces résultats, les scientifiques font appel à la théorie de l’homéostasie synaptique : l’intensité d’activation des synapses, les connexions entre les neurones, est régulée à la baisse pendant le sommeil. Mais cette diminution d’activité ne se ferait pas n’importe comment, elle serait basée sur l’activité des synapses en état d’éveil.

Les synapses les plus fortement activées à l’état d’éveil sont conservées et que les activations plus faibles sont réduites, résume Anika Löwe à Sciences et Avenir, chercheuse de l’université de Hambourg qui a mené l’étude. Cela pourrait permettre d’extraire l’essentiel, l’information pertinente, du matériel appris.

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Cette étude montre ainsi que le sommeil ne se contente pas de nous reposer : il participe activement à la réorganisation de nos pensées, facilitant la résolution de problèmes et l’émergence de nouvelles idées. En résumé : dormir un peu, c’est penser mieux.

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