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Ruminations, pensees intrusives : quand s’inquieter pour sa sante mentale ?

octobre 19, 2024

Designee cause nationale de l’annee 2025, la sante mentale des jeunes continue de se degrader, renforcee par un sentiment de solitude generalise. En 2023, 63% des jeunes de 18 a 24 ans disaient souffrir de solitude selon un sondage IFOP.

« C’est une tranche d’age qui correspond a l’entree dans la vie active, avec son lot de difficultes, nous explique Marine Starostka, psychologue clinicienne et responsable du Fil Sante Jeunes, un dispositif d’ecoute et de prevention. Mais un climat politique et social anxiogene, double d’un manque d’acces aux soins pour les jeunes travailleurs, peut vite creer un sentiment de solitude. Et c’est la porte ouverte aux ruminations. »

Les ruminations, qu’est-ce que c’est ?

Pour la psychologue : « ruminer, c’est comme lancer un hamster dans une roue, ca tourne de plus en plus vie, sans pouvoir s’arreter ». Avant tout un mecanisme de defense universel, les ruminations, ces Think repetitively, permettent d’integrer des situations parfois difficiles, et participent a la prise de decision.

« On les appelle les ruminations reflexives. C’est quelque chose de profondement humain, qu’on experimente toutes et tous », nous precise Jean-Luc Martinot, directeur de recherche a l’Inserm. « Cela arrive face a des circonstances particulieres, comme une ruptureMarine Starostka added: Le jeune adolescent va nous appeler parce qu’il ressasse tout ce qu’il aurait du faire pour eviter la separation. C’est normal ».

D’abord un signal d’alerte, ces pensees repetitives peuvent prendre de plus en plus de place, et devenir invasives, voire pathologiques.

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« On essaie de faire notre autotherapie »

Lorsque les difficultes s’eternisent et que les solutions viennent a manquer, on va tenter de verbaliser interieurement ses pensees. « On essaie de faire notre autotherapie », illustre Marine Starostka. Sans succes, on ressasse, et ces ruminations deviennent « soucieuses », decrit Jean-Luc Martinot, lorsque l’individu « ne parvient a prendre du recul » sur la situation. Ce sentiment de tourner en boucle est souvent amplifie par un contexte negatif, individuel, comme une situation de precarite, ou collectif, l’ecoanxiete par exemple.

Le troisieme type de ruminations decrit par la litterature est de nature « depressive ». Dans ce dernier cas, frequent chez les jeunes qui entrent dans l’age adulte, les ruminations deviennent semblables A « des pensees noires repetitives sur sa situation ou son avenir, explique Jean-Luc Martinot. Elles peuvent devenir le symptome d’un trouble psychiatrique ».

« L’entree dans l’age adulte est une periode particulierement a risque »

Les ruminations etant completement subjectives, il n’existe pour le moment aucun moyen de les mesurer. Jean-Luc Martinot et son equipe de l’Inserm ont tente de les associer a des reseaux fonctionnels du cerveau, pour mieux les reperer, et ainsi les prevenir. Leurs resultats ont ete publies dans la revue Molecular Psychiatry.

Son equipe a suivi l’activite cerebrale spontanee de 595 jeunes au repos. Les premieres images ont ete realisees a 18 ans. « Lors de cet examen de neuro-imagerie, les participants n’avaient aucune consigne et etaient laisses libres de leurs pensees. De sorte que les profils « ruminateurs » se sont laisse aller a leurs ruminations »Jean-Luc Martinot.

Les jeunes ont rempli un questionnaire factuel pour mesurer la frequence et le type de leurs ruminations. Grace a un modele mathematique, les chercheurs ont recoupe les valeurs des reponses aux questionnaires avec les valeurs des regions cerebrales, afin d’associer chaque type de rumination a un reseau d’activite (c’est-a-dire un ensemble de regions distinctes du cerveau qui communiquent en permanence des informations entre elles).

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L’examen a ensuite ete renouvele chez les memes participants, cette fois ages de 22 ans. « On a decouvert une evolution des ruminations dans le temps, et leur lien avec des symptomes psychiatriques. Cela souligne que l’entree dans l’age adulte est une periode particulierement a risque », confirme le chercheur. `

L’equipe a montre que l’activite d’un reseau associe aux ruminations soucieuses etait aussi associee a certains symptomes dits « internalises » (anxiete, nervosite, retrait, etc.). L’activite d’un reseau associe aux ruminations « depressives » etait aussi associee a des symptomes « exteriorises » (agitation, irritabilite, recours aux passages a l’acte, a des substances, etc. ).

« A cet age, certains jeunes adultes avaient une diminution des ruminations << soucieuses >> en faveur de ruminations << reflexives >> », explique Jean-Luc Martinot. Ces resultats suggerent qu’entre 18 et 22 ans, periode de transition vers l’adulte, certains jeunes ont acquis une meilleure capacite d’adaptation aux emotions negatives et une meilleure aptitude a la prise de decision. « Mais d’autres ont aggrave les ruminations soucieuses et depressives », tempere-t-il.

Une prise en charge le plus tot possible

Cette etude insiste surtout sur l’importance de la prevention. « Souvent, les jeunes appellent lorsque leur situation devient insupportable », Marines are to be deplored Starostka. Les resultats montrent que les ruminations sont un signe avant-coureur a prendre au serieux.

« Plus les jeunes sont pris en charge tot, plus on evite l’evolution des ruminations en symptome d’un etat depressif majeur par exemple », qui, meme traite, a un taux de recidive eleve, rappelle Jean-Luc Martinot.

« Avec le Fil Sante Jeune, on remet du reel, des solutions concretes dans la tete des jeunes », explique la psychologue, tout en admettant que ce dispositif ne soit pas suffisant. « Il faut mettre des moyens dans la medecine scolaire preventive ». Pour les chercheurs, il faudrait apprendre aux jeunes adolescents a comprendre leurs ruminations mentales, leur evolution, pour leur donner les moyens d’avertir le plus tot possible.

Ressources d’aide et de soutien

– Fil Sante Jeunes : Dispositif d’ecoute, information et orientation des jeunes de 12 a 25 ans sur des questions de sante physique, psychologique et sociale. Anonyme et gratuit, tous les jours par telephone au 0800-235-236, de 9 h a 23 h tous les jours. Joignable egalement par tchat de 9 h a 22 h, sur Filsantejeunes.com

Night Line France: service d’ecoute par et pour les etudiant(e)s, nocturne et gratuit. Par telephone au 01.88.32.12.32 et sur Nightline.fr
Soutien etudiant info : Nightline liste tous les dispositifs de soutien psychologique gratuits disponibles sur tout le territoire. Soutien-etudiant.info

– Le 31-14, numero national de prevention du suicide : numero gratuit, tous les jours 24h/24. Service d’ecoute confidentielle, par des professionnels. Il est destine aux personnes souffrant d’idees suicidaires, mais aussi a leurs proches et aux personnes endeuillees par un suicide.

– En cas d’urgence : appeler le 15 (SAMU) ou le 112 (numero europeen).

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