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Satiété : ces cellules qui nous font arrêter de manger

février 5, 2025

Qu’est-ce qui nous décide à arrêter de manger ? Les travaux sur la régulation de l’alimentation sont prolifiques. On connaît les circuits qui, une fois l’estomac bien rempli, suppriment la sensation de faim. Mais une zone d’ombre persistait sur les mécanismes qui nous font poser la fourchette ! Des chercheurs de l’Université de Columbia (New York) viennent d’identifier un groupe de neurones jusqu’alors inconnus. Sensibles à de nombreux signaux provenant de la digestion, ils sont activés sur une longue durée, et déclenchent finalement la fin du repas. Ces résultats fondamentaux sur la souris ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les pathologies qui nécessitent une régulation du comportement alimentaire. “Bien que nous n’en soyons qu’au début, nous espérons que nos résultats auront un impact significatif sur le domaine médical,” avance Skrikanta Chowdhury, premier auteur de l’étude, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. Leur étude a été publiée dans la revue Cell.

Les neurones impliqués dans la satiété

Réguler la prise des repas mobilise des structures cérébrales variées. “D’une part, les neurones du cerveau antérieur, dont l’hypothalamus, contrôlent la faim et la satiété tandis que le cerveau postérieur régule la taille des repas,” précise Skrikanta Chowdhury. En particulier, une petite partie de l’hypothalamus appelé “noyau arqué” joue le rôle de détecteur de la faim. Il intègre notamment les informations hormonales provenant du tube digestif et des tissus adipeux. “Ces signaux engendrent différentes réactions de l’hypothalamus,” ajoute-t-il. Par exemple, certaines cellules repèrent les déficits métaboliques et stimulent la faim pour encourager la prise alimentaire. D’autres, appelées POMC, peuvent détecter les surplus d’énergie et allonger l’intervalle entre les repas.

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L’équipe de l’Université Columbia a identifié un nouveau rouage de ces circuits : les neurones sensibles à l’hormone CCK (cholécystokinine), tout à fait différents des autres cellules impliquées dans la régulation de la faim. “Les neurones du cerveau se limitent généralement à détecter ce qui est mis dans la bouche, la façon dont la nourriture remplit l’intestin ou les nutriments obtenus à partir du bol alimentaire,” inventorie le biologiste. “Les neurones que nous avons découverts ont la particularité d’intégrer toutes ces différentes informations et bien plus encore !

Prendre la décision d’arrêter de manger …

Grâce à une nouvelle technique, les chercheurs ont analysé le tronc cérébral, prolongement de la moelle épinière au niveau du cou, dans le but de discerner différents types de cellules. “Cette technique, appelée transcriptomique spatiale, ​​permet de voir les cellules là où elles se trouvent dans le tronc cérébral et à quoi ressemble leur composition moléculaire,” éclaire Alexander Nectow, co-auteur de l’étude. Là, ils distinguent des cellules jusqu’alors inconnues et dont certaines caractéristiques leur rappelle les neurones impliqués dans la satiété. “Nous nous sommes dit : “Oh, c’est intéressant. Que font ces neurones ?”,” se rappellent les scientifiques. Pour comprendre leur rôle, les chercheurs ont utilisé l’optogénétique, une technique qui permet d’activer ou de désactiver un groupe de neurones à l’aide de la lumière. “Lorsque les neurones étaient activés par la lumière, les souris mangeaient des repas beaucoup plus petits,” rapporte Skrikanta Chowdhury. Quant à l’intensité de l’activation, elle déterminait la rapidité avec laquelle les souris arrêtaient de manger. “Il est intéressant de noter que ces neurones ne signalent pas seulement un arrêt immédiat ; ils aident les souris à ralentir progressivement leur consommation d’aliments,” s’enthousiasme-t-il.

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Mais à quels signaux réagissent-ils ? L’équipe discerne à la fois des groupes de cellules et des molécules qui interagissent avec les neurones à CCK. Et notamment GLP-1 ; cette hormone libérée dans l’intestin après la prise alimentaire et qui est à la base de nombreux médicaments anti-obésité bien connus. Elle contribue notamment à réguler la glycémie et d’autres processus physiologiques. “Nous avons constaté que les neurones récemment découverts dans le tronc cérébral peuvent détecter GLP-1 dans la circulation sanguine,” signale Skrikanta Chowdhury. Elle provoque une activation lente mais soutenue de ces neurones, qui conduit finalement à l’arrêt du repas.

Vers de nouveaux médicaments anti-obésité ?

Les chercheurs ont réussi à identifier les divers signaux auxquels ce groupe de neurone est sensible. Il s’agit notamment des pensées concernant la nourriture, des odeurs et des indices visuels, de la perception de chaque bouchée, mais aussi du bol alimentaire dans l’estomac et plus globalement de l’état hormonal lié à l’alimentation. “Il y a beaucoup à apprendre de ces neurones nouvellement caractérisés,” pondère l’auteur. “Par exemple, nous ne comprenons pas encore tout à fait comment ces neurones intègrent les différents aspects des signaux pendant le repas, et dans quels mesure les cellules peuvent s’adapter.” Dans les jours à venir, en intégrant des outils modernes tels que CRISPR et l’IA, les chercheurs essaieront de faire la lumière sur les fondements moléculaires et cellulaires de ce processus physiologique. “Que ce soit seuls ou conjugués à d’autres types de prise en charge, ces résultats pourraient ouvrir la voie à la régulation clinique du comportement alimentaire et potentiellement à d’autres médicaments pour lutter contre le surpoids,” conclut-il.

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