Vous êtes migraineux ? Nul doute dans ce cas qu’en ce 21 juin, Journée mondiale de la solidarité avec la migraine, vous connaissiez déjà bien le sujet. Pour les autres, il ne sera pas superflu de rappeler quelques éléments face à cette affection fréquente (12 % des adultes, 5 à 10 % des enfants) concernant en France près de 11 millions de personnes.
Si les femmes sont 2 à 3 fois plus touchées que les hommes, un tiers des malades n’ont jamais consulté, ont recours à une automédication et la prise en charge de cette affection, la seconde cause de handicap après l’AVC selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est loin d’être optimale, comme vient encore de le démontrer la première étude scientifique menée par les malades publiée dans la revue de référence The Journal of Headache and Pain.
En effet, les malades parfois confrontés à de longues errances diagnostiques (sept ans en moyenne), s’entendent souvent répondre « allez, un doliprane et au lit », ou encore qu’il s’agit « juste d’une maladie de bonne femme et que cela va passer ». Or, non, cela ne passe pas.
La migraine, un trouble neurologique souvent minimisé
La tête coincée dans un étau, des vomissements, une hypersensibilité à la lumière… autant de signes – pas toujours présents chez tous les patients – s’exprimant dans ce trouble neurologique souvent minimisé qui ne se limite pas à la douleur mais s’étale souvent sur plusieurs jours avec des phases successives de fatigue, de troubles cognitifs, autant de symptômes impactant plus ou moins lourdement la vie professionnelle et personnelle.
De plus, face à un mal de tête, c’est-à-dire une céphalée, le diagnostic n’est en fait pas toujours facile à poser car il existe plus de 200 types différents de céphalées, les spécialistes distinguant les céphalées primaires (sans lien avec une autre pathologie, la migraine et les céphalées de tension en étant les deux principaux représentants), des céphalées secondaires (elles, en lien avec une autre pathologie).
Dans le cas des céphalées primaires, il faut savoir faire la distinction entre la migraine (douleur intense, toujours pulsatile, d’un seul côté de la tête, avec ou sans aura, c’est-à-dire avec des signes annonçant la crise chez certaines personne ) et la céphalée de tension épisodique (moins intense, plus diffuse, non aggravée par l’effort, sans signes digestifs).
« On ne voit plus la migraine aujourd’hui comme il y a 20 ans »
Dans tous les cas, pas d’examen biologique mais un diagnostic reposant essentiellement sur un interrogatoire comme le précise la Société Française d’étude de la migraine et des céphalées (SFEMC).
« En raison d’un intense travail scientifique conduit ces dernières années, on ne voit plus la migraine aujourd’hui comme il y a 20 ans, précise le Dr Geneviève Demarquay, neurologue au CHU de Lyon et présidente de la SFEMC. Les connaissances des mécanismes déclencheurs se sont précisées et on sait aujourd’hui que le cerveau des migraineux est en quelque sorte hypersensible aux changements ».
Mais, entre des patients parfois rapides à s’auto-étiqueter « migraineux » mais qui ne consultent pas, des médecins pas toujours bien formés ni à l’écoute de leurs patients et l’automédication, « les besoins de la migraine en France restent non couverts », poursuit la spécialiste.
Pendant longtemps, seules des molécules non spécifiques de cette complexe maladie neurologique (anti-inflammatoires non stéroïdiens, bêtabloquants, antidépresseurs…) ont été utilisés pour calmer les crises. Parfois suffisantes dans les cas les moins sévères, elles s’avèrent par contre totalement inefficaces chez les plus atteints.
Des nouvelles molécules pas encore accessibles aux patients français
Dans les années 1990, sont arrivés les triptans, une nouvelle classe thérapeutique représentant un réel progrès dans la prise en charge des crises de migraine. Leur mode d’action est double : une vasoconstriction des vaisseaux crâniens et une inhibition de la libération de substances inflammatoires. Pour être efficaces, ils doivent être pris de façon précoce, lors de l’apparition du mal de tête et restent contre-indiqués chez les migraineux ayant des antécédents cardiovasculaires.
Depuis environ cinq ans, à la suite de travaux de recherche initiés il y a près de 30 ans, d’autres mécanismes impliqués dans le déclenchement des migraines et mettant en évidence le rôle d’une petite molécule, un peptide dit CGRP, ont été découverts. Résultat, de nouvelles molécules bloquant ce peptide ou son récepteur ont été développées (comme les gépants). Elles peuvent être utilisées en traitement de crise mais aussi en traitement de fond car elles permettent d’éviter que les crises ne surviennent.
Sous forme de comprimés, d’auto-injections sous-cutanées ou de perfusions intraveineuses réalisées à l’hôpital, elles sont mieux tolérées que les traitements classiques.
Ces nouveaux venus (anti-CGRP, gépants) sont tous destinés aux cas les plus sévères, en échec de plusieurs traitements, ceux souffrant de plus de huit crises par mois. Mais, à ce jour, en raison d’un casse-tête médico-économique qui s’enlise depuis plusieurs années entre autorités sanitaires et laboratoires n’ayant pu aboutir à une fixation de prix en l’absence d’études comparatives, la plupart ne sont toujours pas accessibles ni remboursés en France, à l’inverse de différents pays européens.
Résultat, ceux qui peuvent dépenser plusieurs centaines d’euros par mois vont se les procurer à l’étranger quand les autres tentent de se débrouiller avec l’aide de leurs neurologues. « On estime à environ 50.000 personnes en France le nombre de personnes qui relèveraient de ces approches », précise le Dr Cédric Gollion, neurologue au CHU de Toulouse. Régulièrement, les discussions reprennent entre les différents interlocuteurs, en vain jusqu’à présent.
Les migraineux français devront donc encore attendre. Pour mémoire, avec les triptans, ils avaient déjà patienté sept ans.