Le sommeil et la memoire sont etroitement lies : c’est pendant la nuit que les souvenirs s’inscrivent dans le cortex. On appelle ce phenomene la « consolidation ». « Il est meme possible de consolider un apprentissage en reactivant, pendant certaines phases du sommeil, le souvenir de la veille« , indique Francis Eustache, chercheur en neurosciences a l’Inserm, pour Sciences et Avenir.
Des scientifiques de l’Universite de Californie en avaient fait l’experience l’annee derniere. Stimuler certaines aires cerebrales pendant le sommeil des patients avait accru leur memoire.
En partant de ce constat, des chercheurs neerlandais ont tente d’ameliorer la memoire de patients quant a un souvenir bien particulier : leur seance de therapie. L’objectif ? Consolider les benefices de cette session. Leurs resultats ont ete publies dans la revue Current Biology.
Le syndrome de stress post-traumatique affecte la memoire
Cette nouvelle etude porte sur 33 patients souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Ce trouble psychiatrique peut survenir a la suite d’un evenement traumatisant qu’on a vecu ou dont on a ete temoin.
Il peut avoir de multiples consequences : cauchemars, vigilance accrue, hyperactivite, problemes d’humeur, de sommeil, ou encore, des flashbacks. En effet, le traumatisme affecte les souvenirs. L’hippocampe, l’aire cerebrale qui permet de former la memoire, est sur-stimule et ne fonctionne plus normalement.
Les souvenirs se cristallisent et perdent leur contexte. « On observe alors des resurgences traumatiques, c’est-a-dire que des souvenirs s’imposent violemment a la personne, qui a l’impression de les revivre. C’est un des symptomes du stress post-traumatique, » detaille Pierre Gagnepain, chercheur a l’Inserm, lors d’une interview pour Sciences et Avenir.
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Traiter le syndrome de stress post-traumatique
Actuellement, il existe plusieurs traitements pour ce syndrome. D’une part, la psychotherapie par exposition prolongee qui vise a reprogrammer les emotions associees au souvenir traumatique. Elle passe par une confrontation a des stimuli evocateurs du traumatisme mais « jusqu’a 50% des patients ne repondent pas bien a ce traitement, » deplorent les chercheurs de l’Universite d’Amsterdam.
Il existe toutefois une autre solution, mieux toleree par les patients : l’EMDR (Eye Mouvement Desensibilisation and Reprocessing). Durant ces seances, « les therapeutes guident les patients a travers leurs souvenirs traumatiques tout en utilisant une lumiere en mouvement ou des cliquetis pour les distraire, » poursuivent-ils. L’EMDR consiste a visualiser divers souvenirs en suivant des yeux la main du therapeute par exemple, qui effectue des gestes lents dans plusieurs directions.
Parfois aussi, il ne s’agit pas de suivre des yeux le mouvement du therapeute mais de tapoter alternativement sur les deux genoux, ou encore de suivre des stimulations auditives, comme des cliquetis. C’est sur la base de seances d’EMDR qu’ont travaille les chercheurs de l’Universite d’Amsterdam. Ils ont ensuite cherche a consolider ses effets pendant le sommeil des patients. « Cette idee est d’autant plus pertinente qu’il existe une parente, non encore parfaitement elucidee, entre les mecanismes en jeu dans l’EMDR et dans certaines phases du sommeil (notamment sommeil paradoxal) ou sont observes des mouvements rapides des yeux », Francis Eustache is a passionate enthusiast.
Des cliquetis pour consolider les benefices therapeutiques
Dans un premier temps, tous les participants ont suivi une seance d’EMDR durant laquelle etait diffuse un bruit de cliquetis. La nuit, quand les patients se sont endormis, le meme signal a ete emis aupres de la moitie d’entre eux. Les chercheurs ont alors enregistre l’activite des ondes cerebrales de tous les patients.
Resultat : ceux qui ont ete reexposes aux cliquetis montraient des oscillations lentes plus importantes et plus longues que les autres. « Et justement, ces oscillations sont connues pour etre fortement liees a la consolidation de la memoire, » precise Hein van Marle, premier auteur de l’etude, pour Sciences et Avenir, satisfait de ces premiers resultats. « La presentation des clics a donc ameliore la physiologie du sommeil responsable de la consolidation de la memoire. » Le tout, sans provoquer d’effet negatif sur le sommeil des patients.
Chez tous les participants, l’EMDR a nettement ameliore les symptomes du syndrome de stress post-traumatique. Pour l’instant donc, les chercheurs n’ont pas note de difference dans la diminution des symptomes entre les deux groupes.
Mais ils entament de nouveaux travaux cet automne, afin de repeter cette methode sur plusieurs jours consecutifs. L’equipe de Hein van Marle espere que ces travaux pourront inspirer de nouvelles recherches visant a explorer les effets benefiques de cette consolidation dans d’autres pathologies, telles que les phobies, ou les troubles anxieux.