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Un patient sauvé par un médicament identifié par IA

février 10, 2025

« Il a une petite fille à laquelle il n’a pas eu besoin de dire au revoir« , rapporte le Pr David Fajgenbaum, dont les travaux basés sur l’intelligence artificielle (IA) et relatés dans le New England Journal of Medicine ont permis à un patient atteint d’une maladie rare de passer des soins palliatifs à la rémission.

Un médecin en rémission de sa maladie rare depuis plus de 10 ans

Et si les maladies qui n’ont pas de traitement pouvaient bénéficier d’un médicament initialement prévu créé pour soigner d’autres pathologies ? Plus d’une décennie avant ces nouveaux travaux, c’est en tablant sur cet espoir que David Fajgenbaum a survécu à la maladie de Castleman. Auto-inflammatoire, cette maladie rare cause le décès de 20 à 35% des personnes atteintes dans les cinq ans suivant le diagnostic en l’absence de traitement efficace.

« A l’époque, je n’ai pas utilisé d’algorithme ni d’IA« , raconte le médecin. « J’ai effectué un certain nombre d’expériences en laboratoire sur mes échantillons de sang et de tissus de ganglions lymphatiques qui m’ont amené à penser qu’une ligne de communication clé de mon système immunitaire était en surrégime. J’ai pensé qu’un inhibiteur de cette ligne de communication pourrait m’aider et je suis en rémission depuis que j’ai commencé à le tester. » Ce médicament, c’est le sirolimus, originellement prescrit pour empêcher le système immunitaire des patients greffés de rejeter leur nouvel organe.

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Classer les médicaments existants par efficacité potentielle avec l’intelligence artificielle

Approuvé depuis, le seul traitement connu de la maladie de Castleman est le siltuximab, des anticorps monoclonaux qui ne fonctionnent que sur la moitié des patients. Pour l’autre moitié, si le sirolimus était la réponse pour David Fajgenbaum, c’est un tout autre médicament qui a cette fois été désigné par la nouvelle méthode qu’il a mise au point avec son équipe. Dédiée non pas à son cas personnel mais à l’ensemble des malades de Castleman, cette approche se base sur l’intelligence artificielle pour passer au crible l’efficacité potentielle de 4000 médicaments existants. Cette approche de l’IA « intègre toutes les connaissances biomédicales accessibles au public dans un graphe à deux dimensions, de sorte que toutes les connexions entre chaque médicament, maladie, gène, etc. puissent être cartographiées« , explique le médecin.

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Un patient au bord de la mort en rémission depuis deux ans

En comparant les analyses de 26 patients à celles de 15 personnes saines, l’approche d’apprentissage automatique (une forme d’IA) repère l’adalimumab, un traitement par anticorps monoclonaux utilisé dans des maladies auto-inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn ou encore la polyarthrite rhumatoïde. Avec l’accord de son médecin, un patient à la maladie particulièrement réfractaire aux traitements jusque-là administrés et sur le point d’entrer en soins palliatifs tente alors de prendre l’adalimumab. Le traitement fonctionne. A la publication de ces résultats début 2025, le patient est en rémission depuis deux ans, « ce qui représente sa plus longue rémission depuis le diagnostic« , se réjouissent les chercheurs.

Appliquée à d’autres maladies rares, cette approche pourrait permettre de trouver des médicaments appropriés pour de nombreuses autres maladies sans traitement, espère David Fajgenbaum. « L’organisation à but non lucratif Every Cure (dont il est le président et co-fondateur, ndlr) s’appuie sur ces premiers résultats prometteurs pour permettre à l’algorithme de prédire les meilleures possibilités de reconversion pour tous les médicaments et toutes les maladies. »

Si les progrès de l’intelligence artificielle, nourrie par de vastes données de bonne qualité, permettent d’entrevoir un outil puissant pour traiter des patients sans recours, David Fajgenbaum n’imagine à aucun moment qu’il remplacera le rôle du médecin. « Je pense personnellement que le praticien devra continuer à jouer un rôle très important dans l’évaluation des risques et des avantages d’un traitement particulier pour son patient. »

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