Les autorites sanitaires francaises rendent obligatoires a partir du 11 decembre la presentation d’une ordonnance en pharmacie pour se voir delivrer huit celebres traitements anti-rhume largement consideres comme dangereux.
« Au regard d’une part des tres nombreuses contre-indications, precautions d’emploi et des effets indesirables connus de la pseudoephedrine et d’autre part du caractere benin du rhume« , l’Agence nationale de securite du medicament (ANSM) considere que « la possibilite d’obtenir ces medicaments sans avis medical fait courir un risque trop important aux patients » une decision devoilee le 9 decembre.
« Nous demandons aux medecins prescripteurs de bien evaluer la balance benefice/ risque pour chaque patient avant de lui prescrire un de ces medicaments« , a ajoute l’ANSM dont la decision d’interdiction etait attendue.
En vente libre malgre leur dangerosite
Sont concernes Actifed Rhume, Actifed Rhume jour et nuit, Dolirhume Paracetamol et Pseudoephedrine, Dolirhumepro Paracetamol Pseudoephedrine et Doxylamine, Humex Rhume, Nurofen Rhume, Rhinadvil Rhume, Ibuprofene/Pseudoephedrine, Rhinadvilcaps Rhume Ibuprofene/Pseudoephedrine. Ces medicaments ont tous en commun de contenir la molecule pseudoephedrine. Largement consideres comme dangereux depuis des annees, les principaux traitements anti-rhume etaient toujours en vente libre. A l’approche de l’hiver, les autorites sanitaires francaises envisageaient de mettre enfin fin a ce paradoxe.
Disponibles sans ordonnance sous forme de comprimes, ces traitements – aussi vendus par spray nasal sur prescription – visent a decongestionner et desencombrer le nez. Ce sont donc les principaux medicaments utilises contre le rhume. Mais ils font l’objet depuis plusieurs annees de nombreuses critiques, a commencer par l’ANSM elle-meme, car ils peuvent provoquer de graves effets secondaires comme des AVC et des infarctus.
En 2023, l’agence avait pour la premiere fois deconseille explicitement leur utilisation. Cette decision avait, pour un temps, fait decliner les ventes de traitements anti-rhume. Mais celles-ci rebondissent depuis septembre.
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Effets rares mais graves
« Les mesures de reduction des risques que nous avons mises en place, telles que l’interdiction de la publicite aupres du grand public, l’information reguliere sur les dangers lies aux vasoconstricteurs oraux, ainsi que la mise a disposition de documents pratiques pour les patients et les pharmaciens, n’ont pas suffisamment reduit la population exposee au risque de survenue d’effets indesirables rares mais graves« , ecrit l’ANSM.
Pourquoi ne pas avoir interdit plus tot purement et simplement ces medicaments ? Les autorites sanitaires francaises expliquaient regulierement avoir les mains liees par la reglementation europeenne qui soumet le retrait d’une autorisation a l’avis de l’Agence europeenne du medicament (EMA).
Or, celle-ci avait estime l’an dernier que les traitements anti-rhume concernes ne presentaient pas de risques suffisants pour les interdire, meme si elle a impose de nouvelles contre-indications. Cet avis s’explique par le fait que les effets secondaires graves restent tres rares. Ils sont quelques-uns a etre signales chaque annee et, en France, aucun deces n’a ete rapporte.
Les autorites francaises ont fini cependant par trancher en estimant que le risque, meme faible, etait inacceptable au vu du caractere benin de la maladie traitee : un simple rhume. Cette position va dans le sens des principales societes savantes francaises (ORL, medecins generalistes, pharmaciens) qui s’opposent toutes a l’usage de ces medicaments.
Elle risque en revanche de froisser les pharmaciens, dont nombre de representants estiment qu’une telle restriction reduit injustement l’eventail de medicaments a proposer a leurs clients enrhumes, dans un contexte marque par une difficulte recurrente a obtenir des rendez-vous medicaux.
« Ca va devenir complique pour nous de repondre aux problemes des patients. Les gens n’auront plus de medecin et nous, on ne pourra plus rien conseiller« , estimait dans le Quotidien du Pharmacien Beatrice Clairaz-Mahiou, copresidente de la Societe francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO).
Mais, pour d’autres observateurs, les autorites sanitaires ont, au contraire, ete d’ores et deja trop longues a reagir. « Les soignants ont mieux a faire que de passer du temps a deconseiller aux patients un medicament qui devrait etre retire du marche« , estimait en debut d’annee la revue independante Prescrire.