« Madame K…, 92 ans, a passe 29 heures sur un brancard le 27 juillet », informe une affiche a l’entree des urgences de Brest. Au coeur de l’ete, des dizaines de patients ages ont subi le meme sort. Une situation « irrespectueuse » et « dangereuse » denoncee par le personnel.
« Je savais que l’hopital public etait malade, mais pas a ce point-la. Ca fait peur ! « , confie Sophie (qui n’a pas voulu donner son nom), fonctionnaire de 57 ans.
En juin, cette Bretonne a passe 13 heures aux urgences de Brest, accompagnant sa mere septuagenaire, victime d’une chute avec perte de connaissance. « Je suis venue soigner ma mere. Je repars blessee », raconte-t-elle dans un temoignage ecrit envoye aux elus et a la direction du CHU.
A l’AFP, la quinquagenaire dit avoir ete particulierement choquee par « le desarroi des gens dans cette attente ». « Ils appelaient mais n’avaient pas forcement de reponse car le personnel etait deborde. C’est indecent », raconte-t-elle, decrivant une « medecine de guerre », une « maltraitance pour toute la famille ».
De l’aveu meme de la direction, 71 patients de plus de 75 ans ont passe plus de 23 heures aux urgences entre le 10 juillet et le 7 aout.
La CGT du CHU a affiche les cas les plus emblematiques sur un « mur de la honte », constitue de trois panneaux d’affichage, exposes par intermittence a l’entree du batiment. On y apprend ainsi que le « record » de l’ete est detenu par une certaine Mme D., 78 ans, qui a passe 34 heures sur un brancard le 17 juillet.
« On espere que la direction va prendre la mesure de la situation rapidement », affirme Thomas Bourhis, secretaire du syndicat, qui rappelle la « perte de chance » subie par les patients qui restent trop longtemps aux urgences.
Selon une etude scientifique publiee en novembre 2023, passer une nuit sur un brancard aux urgences augmente en effet « de pres de 40% le risque de mortalite hospitaliere » pour un patient de plus de 75 ans.
« On sait tous que c’est dangereux de laisser des patients ages trop longtemps aux urgences. On a des publications qui nous le disent et on le fait quand meme », maugree un medecin-urgentiste, sous couvert de l’anonymat.
« C’est comme si on disait a un chirurgien: crache dans tes mains avant d’operer », compare-t-il, en assurant soutenir « completement » le mouvement de greve lance debut juillet par la CGT pour denoncer cette situation.
– « Meme galere » –
« On est tous dans la meme galere et la meme desorganisation d’un service par defaut de moyens et de lits », abonde Anne-Dominique Curunet-Raoul, medecin urgentiste et membre du syndicat SAMU-Urgences de France.
« Les conditions d’accueil de nos patients ne sont pas bonnes, ce n’est pas respectueux. On a l’impression de ne pas bien faire notre metier », detaille-t-elle.
Au centre des critiques: un ancien garage pour ambulances, transforme en « salle d’attente allongee ». Ce lieu, baptise parfois « sas » ou « zone de stockage » par le personnel, peut accueillir 22 patients sur des brancards.
Sans lumiere naturelle, ni point d’eau ou restauration, il offre peu d’intimite aux patients. « Un hangar a brancards », decrit Sophie, ou certains patients attendent jour et nuit.
« Ce n’est pas du temps d’attente », corrige Laurence Jullien-Flageul, coordinatrice generale des soins au CHU. « On est sur de la prise en soins: des que vous arrivez aux urgences, vous etes accueilli par une infirmiere et pendant tout ce temps-la, vous etes surveille par nos equipes ».
La direction souligne d’ailleurs ses « efforts soutenus » pour ameliorer la situation: embauche de 24 infirmiers et aides-soignants aux urgences, ouverture de 58 nouveaux lits, baisse du nombre de passages aux urgences.
« On a des effectifs qui sont coherents avec notre activite », affirme Mme Jullien-Flageul. « Maintenant il y a des jours ou ca peut etre plus complique que d’autres, on est sur de l’activite non-programmee », ajoute-t-elle parlant de journees « debut aout » avec « plus de 180 passages par jour ».
« On ne peut pas se satisfaire des delais d’attente… enfin d’attente et de prise en charge », poursuit-elle. « Notre objectif c’est de toujours de continuer a travailler pour reduire les temps de prise en soins des patients. »