Pour reparer le cerveau apres un accident vasculaire cerebral (AVC), pourquoi ne pas aller stimuler electriquement le nerf dit vague, ce nerf reliant le cerveau a la plupart des organes ? 500.000 personnes en France vivent en effet aujourd’hui avec des sequelles responsables d’un handicap visible (paralysies, faiblesses musculaires, troubles de la parole, de la comprehension) ou invisible (troubles cognitifs, du comportement, de l’humeur).
Pourquoi stimuler le nerf vague ?
Car malheureusement, les capacites de recuperation spontanee du cerveau mobilisees des les premiers jours et pendant environ six mois apres l’AVC ne permettent pas toujours une recuperation complete, meme si elles sont associees aux techniques classiques de reeducation (kinesitherapie, orthophonie, neuropsychologie…), posant alors de lourds problemes de reinsertion, sans compter des couts socio-economiques, souvent considerables.
« En 2024, nous ne disposons toujours pas d’un traitement efficace et standardise pour amplifier la reconstruction des circuits cerebraux detruits », rappelle Julien Chuquet, chercheur au GRHVN (Groupe de Recherche sur le Handicap Ventilatoire et Neurologique) a l’Universite de Rouen.
C’est la raison pour laquelle l’equipe rouennaise espere pouvoir demarrer les premiers essais cliniques des l’obtention des autorisations necessaires. Car de l’autre cote de l’Atlantique, une vingtaine d’essais cliniques evaluant l’interet de la stimulation du nerf vague (SNV en francais, VNS pour « Vagus Nerve Stimulation » en anglais) ont eux deja demarre.
AVC conceptual image. Angiographie coloree (radiographie des vaisseaux sanguins) des arteres cerebrales. SAMUNELLA / SCIENCE PHOTO BIBLIOTHEQUE / SPD / Science Photo Library by AFP
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L’acceleration des recherches des 2021
Tout a en fait commence il y a 20 ans, apres des travaux encourageants chez l’animal, mais l’acceleration des recherches s’est faite en 2021, avec les resultats d’une etude parue dans la revue The Lancet.
Menee aupres d’une centaine de patients, elle a demontre une nette amelioration des fonctions motrices chez la moitie des patients. « De maniere surprenante, l’envoi d’impulsions electriques non douloureuses via ce nerf cranien facile d’acces peut en effet amplifier la recuperation fonctionnelle des patients sans generer d’effet secondaires », precise Julien Chuquet. Qui poursuit : « Toutefois, on ne comprend toujours pas pourquoi certains patients repondent et d’autre pas et on ne connait pas non plus le mecanisme d’action par lequel le nerf peut modifier le cours de la reconstruction des circuits neuronaux ».
Les espoirs portes par l’etude ont en tout cas rapidement convaincu l’agence americaine du medicament, la Federal Drug Administration de donner en 2021, et apres l’epilepsie resistante et la depression, son feu vert dans cette nouvelle indication des AVC dit ischemiques (un caillot bouche une artere cerebrale, les plus frequents, differents des AVC hemorragiques, quand une artere se rompt).
« L’hypothese originale que nous suivons avec l’aide de la fondation des Gueules Cassees et la Fondation pour la Recherche sur les AVC, est de demontrer que la SNV normalise l’excitabilite du cortex en reparation, detaille le chercheur. Nos premiers resultats ont deja demontre que la SNV module favorablement la puissance des oscillations gamma dans les cerveaux de rongeurs ».
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« Trouver un consensus pour ne plus pratiquer de maniere empirique »
Ses travaux prevoient a terme d’optimiser l’utilisation de la SNV en termes de frequence d’impulsion, d’intensite de dose et en associant ou pas la SNV a une tache d’apprentissage, en l’occurrence ici l’usage de la patte avant des rongeurs porteurs cette fois d’AVC.
Pour mieux apprehender le reel potentiel therapeutique de la SNV, « il est indispensable de decrypter les mecanismes cellulaires et neurophysiologiques a l’origine de ses effets benefiques et de trouver un consensus pour ne plus la pratiquer de maniere empirique », conclut le chercheur.
Deja, deux approches differentes ont deja ete developpees : l’une par voie chirurgicale (implantation du stimulateur autour du nerf, Vivistim), l’autre, non invasive mais encore experimentale, par simple application au niveau de l’oreille (Nemos), la stimulation s’exercant alors de maniere transcutanee au niveau des branches terminales du nerf.