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In France, a demographic decline from 2040?

April 6, 2025

La population française a atteint 68,6 millions au 1er janvier 2025, une hausse de 0,25% comparé à 2024. Mais la population de l’Hexagone pourrait ne plus croître pendant très longtemps, d’après les dernières estimations de l’Institut national des études démographiques (Ined). Selon ses prédictions, le solde naturel, c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès, deviendrait négatif dès 2027. Gilles Pison, démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et conseiller de la direction de l’Ined, revient avec nous sur ces prévisions.

Sciences et Avenir : Selon vos projections, le nombre de décès devrait être plus important que celui des naissances dès 2027. Avez-vous été étonné par cet horizon très proche ?

Gilles Pison : On arrive à ce résultat avec trois suppositions. En effet, cette projection repose sur l’hypothèse que les tendances des précédentes années vont se poursuivre. Premièrement, la baisse du nombre de naissances a démarré dès 2010. Les naissances correspondent aujourd’hui à un taux de fécondité de 1,62 enfant en moyenne par femme et on suppose que la fécondité restera stable. On suppose aussi que le solde migratoire, la différence entre les entrées et les sorties en France, estimé à 152.000 pour 2024, va se maintenir. Et enfin, on suppose que les tendances de l’espérance de vie à la naissance – qui progresse toujours – va se poursuivre dans les années suivantes. L’excédent des naissances sur les décès, qui diminue d’année en année, deviendrait nul en 2027 et les décès seraient alors plus nombreux.

« L’excédent des décès sur les naissances devrait être compensé par le solde migratoire jusqu’à 2040 »

Malgré cette inversion, la population continuerait de croître jusqu’à atteindre un pic de 70 millions dans les années 2040, avant de refluer progressivement pour s’établir à 68 millions en 2070. Comment est-ce possible ?

Après 2027, l’excédent des décès sur les naissances devrait être compensé par le solde migratoire jusqu’à 2040. Mais au-delà, le nombre de décès sera trop important pour que l’immigration compense cette perte. Ce phénomène provient de l’arrivée à des âges élevés des personnes nées du baby-boom, entre 1946 et 1973. Tous ces gens-là ont entre 50 et 80 ans aujourd’hui. Dans les prochaines années, ils vont continuer de vieillir et prendre leur retraite. Et durant les 30 prochaines années, nous allons assister au décès des baby-boomers. Comme ils sont nombreux, la France n’échappera pas à une hausse du nombre de décès. Or si le solde migratoire reste tel qu’il est aujourd’hui, il ne parviendra pas à contrebalancer ces nombreux décès.

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Avant de revenir à 68 millions d’habitants en 2070, le même chiffre qu’aujourd’hui, nous devrions atteindre un pic de 70 millions d’habitants dans les années 2040. A quelles conditions pourrions-nous atteindre ce maximum ?

Tout cela repose sur l’hypothèse que la fécondité se maintiendrait au même taux qu’en 2024. Mais elle peut aussi baisser ou réaugmenter. En effet, quand on examine les variations des naissances depuis le baby-boom, on observe des périodes à la baisse, comme celle d’aujourd’hui, entamée en 2010 mais aussi des périodes de hausse, aussi dans les années 1980 et les débuts des années 1990. Au creux de 1993-1994, les femmes avaient en moyenne 1,68 enfant. Puis, dans la deuxième moitié des années 1990 et dans les années 2000, ce chiffre est reparti à la hausse. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : la tendance à la baisse s’inscrit-elle dans ces fluctuations qu’on observe depuis la fin du baby-boom, avec une possible remontée plus tard comme il y a 30 ans ? Ou alors le régime démographique va-t-il vraiment baisser, avec des femmes mettant au monde moins d’enfants que la génération de leur mère ou de leurs grand-mères ?

« En 50 ans, l’âge du premier enfant est passé de 24 à 29 ans »

A-t-on déjà une idée de l’évolution du nombre d’enfants par femme dans les années à venir ?

Au-delà de l’indice de fécondité, nous utilisons un autre indicateur appelé la « descendance finale ». Il s’agit d’un bilan effectué quand les femmes ont atteint l’âge de 50 ans. Il apparaît que les femmes nées en 1974 – qui ont donc eu 50 ans l’an passé – ont eu 2,02 enfants chacune. Celles de 1984 – qui fêtent leurs 40 en 2024 – ont déjà 1,98 enfant en moyenne chacune. Or, elles auront probablement encore quelques autres enfants. Donc le nombre d’enfants sera légèrement supérieur à 2. Celles en 1994 – âgées de 30 ans en 2024 – ont déjà 0,86 enfant en moyenne chacune. Il est difficile de savoir combien toutes ces femmes auront d’enfants d’ici leurs 50 ans. Mais ce qu’on peut d’ores et déjà affirmer, c’est que jusqu’ici, en France, les femmes ont eu autant d’enfants que la génération de leur mère, mais plus tard au cours de la vie. En 50 ans, l’âge du premier enfant est passé de 24 à 29 ans. Reste à savoir combien ces femmes auront d’enfants à 50 ans.

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