Les autorites sanitaires ont annonce jeudi de nouvelles mesures pour limiter les risques lies au tramadol et la codeine, medicaments opioides qui continuent de faire l’objet d’abus en France. Il faudra notamment presenter au pharmacien une ordonnance infalsifiable.
« Ce sont de tres bons medicaments pour soulager la douleur, mais compte tenu des risques potentiels qu’ils presentent il est important de renforcer leur bon usage », a resume a l’AFP Philippe Vella, directeur medical a l’Agence nationale de securite du medicament (ANSM).
Le tramadol est le principal traitement de la famille des opioides. Ces derniers sont generalement utilises comme antidouleurs, mais presentent un risque eleve de dependance avec d’importants risques pour la sante.
La codeine est aussi un medicament opioide utilise pour soulager la toux et la douleur legere ou moderee, qui peut creer une dependance lorsqu’elle est utilisee a fortes doses et sur une longue duree.
Ces medicaments sont delivres uniquement sur ordonnance.
Pour reduire les risques d’abus, les medicaments contenant du tramadol ou de la codeine, seuls ou en association a d’autres substances (paracetamol, ibuprofene…) seront dispenses uniquement sur presentation d’une ordonnance securisee a partir du 1er decembre, a annonce l’ANSM jeudi.
Ce type d’ordonnance doit remplir des criteres visant a la rendre infalsifiable: mention d’informations obligatoires pre-imprimees en bleu permettant d’identifier le prescripteur, apparition d’un filigrane representant un caducee, presence de carres en micro-lettres, grammage minimum fixe a 77 g/m2…
Le dosage, la posologie et la duree du traitement devront etre rediges en toutes lettres.
Certains types de medicaments sont deja soumis a ce type d’ordonnances: des opioides (comme la morphine), des psychotropes (certains antidepresseurs et antipsychotiques) ou stupefiants.
« En 2022, sur environ 2.600 ordonnances falsifiees, 457 concernaient le tramadol, 416 la codeine pour ses specialites antitussives et 293 pour des indications contre la douleur », a precise a l’AFP Philippe Vella.
Les prescriptions etablies avant le 1er decembre demeureront valables jusqu’a leur terme.
– Surdosages –
« Il faut restreindre au maximum l’usage de ces medicaments puissamment addictifs », a rencheri aupres de l’AFP Philippe Besset, president de la FSPF, principal syndicat de pharmaciens.
Cette mesure va « dans le bon sens » selon lui, meme si « on va utiliser un moyen de verification perime puisqu’on devrait deja etre passe dans la nouvelle ere de l’ordonnance numerique, qui eviterait tout probleme de falsification ». Mais « il y a un vrai retard sur ce sujet », a-t-il regrette.
Autre mesure annoncee jeudi: la duree maximale de prescription de la codeine sera reduite a 12 semaines a compter du 1er decembre. Au-dela, une nouvelle ordonnance sera necessaire.
L’agence du medicament tente deja depuis des annees de controler les risques autour de ces medicaments qui ont notamment provoque une crise sanitaire massive aux Etats-Unis. Ils y ont ete prescrits et consommes de maniere largement incontrolee, en particulier le fentanyl.
En France, la situation est sans commune mesure, mais nombre de professionnels de sante s’inquietent d’une augmentation des cas d’usage detourne des opioides.
Depuis 2017, tous les medicaments contenant de la codeine sont soumis a une prescription medicale. En 2020, la duree maximale de prescription des medicaments contenant du tramadol a ete reduite a 12 semaines.
L’ANSM a aussi demande aux industriels la mise sur le marche de boites de tramadol contenant moins de comprimes, adaptees aux traitements de courte duree.
Malgre ces efforts, differentes enquetes ont montre la persistance des cas d’abus, de surdosages ou de dependance, d’ou la necessite de nouvelles mesures.
L’ANSM reflechit desormais a la maniere de mieux informer les patients des risques lies a ces medicaments. Elle envisage par exemple de demander aux laboratoires d’apposer des mentions d’alerte sur les boites contenant du tramadol ou de la codeine.
Quelque 10 millions de Francais ont recu au moins une prescription d’opioides antalgiques en 2015, selon le dernier etat des lieux dresse par l’ANSM en 2019.
En 2022, l’abus de tramadol a conduit en France a 14 deces, l’abus de la codeine a entraine 6 deces la meme annee.
« L’an dernier, le nombre de comprimes de tramadol prescrit a diminue de 6% par rapport a 2022: on en prescrit moins, il faut maintenant les utiliser mieux », a plaide Philippe Vella.